Vaihingen an der enz
Camp « Revier » en réalité camp « mouroir ».
L'obsession d'une administration rigoureuse conjuguée à une idéologie meurtrière. Nous avons développé le cas d'un camp camouflé en camp de prisonniers mais, en réalité, transformé en camp punitif, camp de représailles : RAWA-RUSKA. Aujourd'hui, le cas d'un camp transformé en camp de santé, en fait un camp mouroir : VAIHINGEN AN DER ENZ. |
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1. Localisation :
Vaihingen-sur-l'Enz (en allemend: Vaihingen an der Enz) est situé près de STUTTGART, dans le land de Bade-Wurtenberg.
L'Office du Tourisme signale : « Son paysage enchanteur est également surnommé la ''Toscane souabe''. »
Nous verrons que le site ne fut pas toujours aussi enchanteur que cela.
A l'ouverture, le camp était placé sous l’autorité du Konzenstrationslager Natzweiler (plus connu en France sous le nom de camp du Struthof).
2. Le camp à l'origine.
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Il fut conçu comme un Kommando chargé de fournir la main d'oeuvre à une usine souterraine d'armement.
Régulièrement visés par des bombardements, certains de ces sites ont été enfouis sous terre afin d’être protégés.
C’est le cas de l’usine Messerschmitt, qui produisit les premiers avions de chasse à réaction. Le camp de travail de Vaihingen fut créé le 9 août 1944 pour fournir la main d’œuvre nécessaire au fonctionnement de ce chantier.
Cela dans le cadre d'un programme secret connu sous le nom de Stoffel.
Le camp accueille, dès son ouverture, 2187 déportés juifs, sans doute en provenance du ghetto de Radom en Pologne et du camp de concentration d’Auschwitz.
Les prisonniers travaillent à l’extérieur du camp, parfois jusqu’à douze heures par jour, avant de regagner le kommando pour dormir. Les conditions de vie y sont extrêmement difficiles. L’hygiène y était plus que rudimentaire et les rations alimentaires très réduites.
3. De Kommando à camp « mouroir ».
Les travaux auxquels étaient astreints les détenus prennent fin en octobre 1944, moins de trois mois après leur début; le site, bombardé, étant devenu inutile ( ou inutilisable ) du jour au lendemain.
Le camp se transforma vite un mouroir accueillant tous les prisonniers malades de la vallée du Neckar.
Les camps des environs y envoient tous les détenus jugés inaptes au travail. Le taux de mortalité lors des transferts est effrayant : 60% des prisonniers n’atteignent pas le camp de Vaihingen, perdant la vie dans les convois, véritables convois funèbres.
Les 40% restant sont examinés à l'arrivée avant d’être en fonction de leur état de santé.
Les plus malades sont confinés au Revier – abréviation de Krankenrevier, qui signifie le « quartier des malades » –, dont la surface occupe les quatre cinquièmes du camp. Leurs chances de survie sont très faibles : entre un tiers et la moitié des prisonniers admis au Revier succombent durant le premier mois.
L’espace restant du camp est réservé aux convalescents, largement minoritaires.
Déjà en 1942, l’industrie d’armement s’installa pour la première fois à Vaihingen en faisant des essais avec la catapulte du « V 1 » dans une carrière abandonnée. Vaihingen était le lieu d’essai de l’institut de recherche Graf Zeppelin du ministère de l’aviation du Reich.
A la place des missiles, la catapulte Heinkel projetait de lourds blocs de fer contre la paroi de la carrière afin de mesurer la vitesse ainsi que l’accélération et la pression à l’intérieur de la catapulte.
La situation géographique de la carrière qui était isolée et séparée de la vallée de la Enz permettait d’y construire un des six grands bunkers prévus par l’état major des chasseurs aériens (Jägerstab), créé le premier mars 1944 à Berlin et dont la fonction était entre autre de transférer des entreprises d’armement dans des bunkers souterrains. Sur un terrain de 80 000 m², des pièces d’avion devaient être fabriquées pour l’entreprise Messerschmitt.
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4. Conditions de vie.
Les prisonniers sont entassés dans des baraques surpeuplées dans des conditions d’hygiène insupportables.
Comme à RAWA-RUSKA, ils n'ont accès qu'à un seul point d’eau. Ils souffrent du froid et de la faim.
Après deux semaines, les malades non guéris sont envoyés au « block des crevés ». Là ni les médecins ni les médicaments n’ont le droit de pénétrer.
Favorisées par la promiscuité, des épidémies éclatent, comme le typhus en février 1945. Dans les périodes les plus graves, les autorités enregistrent jusqu’à trente décès par jour. On estime à plus de 3000 le nombre de déportés morts à Vaihingen en seulement huit mois.
On a pu décrire le camp de VAIHINGEN comme un lieu où « on cultivait simplement la déchéance humaine ».
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5. Evacuation du camp.
Le 5 avril 1945, face à l’avancée de l’armée française, les SS évacuent le camp vers Dachau. Ils abandonnent sur place des centaines de malades.
L'évacuation vers DACHAU se fait à marche forcée. DACHAU se trouve à environ 240 km !
Ceux qui pouvaient marcher furent transportés par train vers Dachau. 515 hommes furent recensés à Dachau.
Le même jour, seize prisonniers norvégiens furent sauvés par la Croix-Rouge suédoise. Un de ces prisonniers était Trygve BRATELLI. Il a été premier ministre de Norvège, en 1971-1972 et en 1973-1976.
6. Libération du camp.
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Un régiment de la 1re armée libéra le camp le 7 avril 1945, le 49° régiment d'infanterie de la 3e division d'infanterie algérienne.
Un bataillon médical est dépêché sur place dès le lendemain pour porter secours aux nombreux prisonniers français, espagnols, belges, hollandais, suisses, juifs polonais et allemands.
On y trouva six cent cinquante survivants, intransportables.
Après la prise du camp, 84 prisonniers sont morts du typhus et/ou de problèmes de santé généraux.
Les survivants ne purent être renvoyés chez eux rapidement. Afin d’éviter la propagation d’une épidémie aux alentours, les Alliés durent garder les garder à l’intérieur de l’enceinte du camp, soignés par des infirmières et les soldats de l’armée française.
Avant de pouvoir être rapatriés, les déportés durent être épouillés, désinfectés, nettoyés, tondus, habillés avec des vêtements pris aux Allemands.
Chaque jour, une quarantaine de civils allemands furent mis à contribution pour assurer les corvées du camp, dont le transport des cadavres de déportés dans une fosse commune.
On organisa des visites du camp pour montrer aux civils la dure réalité du drame qui s'était déroulé quasi sous leurs yeux.
Une authentique « pédagogie de l’horreur » à visée éducative voire punitive.
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7. Après la guerre.
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Les corps enterrés une première fois dans de grandes fosses communes ont été exhumés après la guerre, pour identification et ré-enterrés dans une tombe située à proximité du camp, officiellement inaugurée le 2 novembre 1958.
109 dépouilles de déportés français, exhumés à Vaihingen, ont été inhumées dans la nécropole nationale du Struthof.
Les responsables du camp ont été inculpés et jugés par le tribunal militaire français de Rastatt. Dix ont été condamnés à mort et huit ont été condamnés à des travaux forcés.
8. Le Mémorial.
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En automne 1987 sur les lieux de persécution, le souhait a vu le jour de créer un mémorial central pour commémorer cette persécution et le grand nombre de victimes.
Le mémorial a été mis en service en 2005. A cette occasion la ville de VAIHINGEN avait invité d’anciens détenus qui avaient publié leurs mémoires dans des livres.