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ELUARD par DALI
Un poème datant de 1942
« Que voulez-vous la porte était gardée
Que voulez-vous nous étions enfermés
Que voulez-vous la rue était barrée
Que voulez-vous la ville était matée
Que voulez-vous elle était affamée
Que voulez-vous nous étions désarmés
Que voulez-vous la nuit était tombée
Que voulez-vous nous nous sommes aimés. »
Ce poème de Paul Éluard est un message d’espoir et d’amour écrit durant l'occupation.
L’oppression de l’Allemagne nazie y est mentionnée par les termes « porte gardée », « rue barrée », « désarmés » et « (Nous) étions enfermés, désarmés ».
Dès le début de l’occupation de la capitale française le 14 juin 1940, un couvre-feu a été instauré de 20 heures à 6 heures par les Nazis. C'est à cela qu'il fait référence.
La répétition de « Que voulez-vous » est un aveu de faiblesse, d'impuissance et de résignation.
C'est à la même époque,en 1942, qu'il a composé, en vingt et une strophes le poème « Liberté » qui sera lu et partagé pendant toute la période de la Seconde Guerre Mondiale.
Mais le poème de Résistance le plus connu est, sans conteste « LIBERTE ». Ce poème est un chant d'espoir destiné à célébrer la liberté en la nommant, à travers le pouvoir magique des mots. C'est une ode à la liberté face à l'occupation allemande.
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Il s'agit d'une longue énumération de tous les lieux, réels ou imaginaires, sur lesquels on pourrait écrifre le mot « liberté ».
Sur mes cahiers d’écolier
Sur mon pupitre et les arbres
Sur le sable, sur la neige
J’écris ton nom…
Sur toutes les pages lues
Sur toutes les pages blanches
Pierre sang papier ou cendre
J’écris ton nom
Sur les images dorées
Sur les armes des guerriers
Sur la couronne des rois
J’écris ton nom
Sur les merveilles des nuits
Sur le pain blanc des journées
Sur les saisons fiancées
J’écris ton nom
Sur les champs de l’horizon,
Sur les ailes oiseaux
Et sur le moulin des ombres
J’écris ton nom
Sur la mousse des nuages
Sur les sueurs de l’orage
Sur la pluie épaisse et fade
J’écris ton nom
Sur les sentiers éveillés
Sur les routes déployées
Sur les places qui débordent
J’écris ton nom
Sur la lampe qui s’allume
Sur la lampe qui s’éteint
Sur mes maisons réunies
J’écris ton nom
Sur le fruit coupé en deux
Du miroir et de ma chambre
Sur mon lit coquille vide
J’écris ton nom
Sur mon chien gourmand et tendre
Sur ses oreilles dressées
Sur sa patte maladroite
J’écris ton nom
Sur la santé revenue
Sur le risque disparu
Sur l’espoir sans souvenir
J’écris ton nom
Et par le pouvoir d’un mot
Je recommence ma vie
Je suis né pour te connaître
Pour te nommer : LIBERTÉ
« Liberté » parut en 1942, pendant l’occupation de l’Allemagne nazie, dans le recueil clandestin Poésie et Vérité. Ce poème devint un véritable acte de résistance et d’espoir.
Il fut diffusé dans toute l’Europe, par radio ou parachutage.
On doit aussi à ELUARD, ce poème, poème de la Résistance : « La dernière nuit. », publié dans le recueil Poésie et vérité.
Ce petit monde meurtrier
Est orienté vers l'innocent
Lui ôte le pain de la bouche
Et donne sa maison au feu
Lui prend sa veste et ses souliers
Lui prend son temps et ses enfants.
Ce petit monde meurtrier
Confonde les morts et les vivants
Blanchit la boue, gracie les traîtres,
Transforme le paroles en bruit.
Merci minuit douze fusils
Rendent la paix à l'innocent
Et c'est aux foules de comprendre
La faiblesse des meurtriers
Grand Résistant durant la seconde guerre mondiale, Eluard avait été mobilisé en 1914. Il fut envoyé au front comme infirmier militaire. Mais, en raison d’une bronchite aiguë, il fut éloigné des combats.
Cette expérience de la guerre et de ses champs de bataille le traumatisa. Cette expérience lui inspira Poèmes pour la Paix (publiés en 1918). En voici un extrait
Monde ébloui,
Monde étourdi.
I
Toutes les femmes heureuses ont
Retrouvé leur mari – il revient du soleil
Tant il apporte de chaleur.
Il rit et dit bonjour tout doucement
Avant d’embrasser sa merveille.
II
Splendide, la poitrine cambrée légèrement,
Sainte ma femme, tu es à moi bien mieux qu’au temps
Où avec lui, et lui, et lui, et lui, et lui,
Je tenais un fusil, un bidon – notre vie!
III
Tous les camarades du monde,
O! mes amis!
Ne valent pas à ma table ronde
Ma femme et mes enfants assis,
O! mes amis!
IV
Après le combat dans la foule,
Tu t’endormais dans la foule.
Maintenant, tu n’auras qu’un souffle près de toi,
Et ta femme partageant ta couche
T’inquiétera bien plus que les mille autres bouches.
V
Mon enfant est capricieux –
Tous ces caprices sont faits.
J’ai un bel enfant coquet
Qui me fait rire et rire.
VI
Travaille.
Travail de mes dix doigts et travail de ma tête,
Travail de Dieu, travail de bête,
Ma vie et notre espoir de tous les jours,
La nourriture et notre amour.
Travaille.
VII
Ma belle, il nous faut voir fleurir
La rose blanche de ton lait.
Ma belle, il faut vite être mère,
Fais un enfant à mon image…
VIII
J’ai eu longtemps un visage inutile,
Mais maintenant
J’ai un visage pour être aimé,
J’ai un visage pour être heureux.
IX
Il me faut une amoureuse,
Une vierge amoureuse,
Une vierge à la robe légère.
X
Je rêve de toutes les belles
Qui se promènent dans la nuit,
Très calmes,
Avec la lune qui voyage.
XI
Toute la fleur des fruits éclaire mon jardin,
Les arbres de beauté et les arbres fruitiers.
Et je travaille et je suis seul dans mon jardin.
Et le soleil brûle en feu sombre sur mes mains.
1918
Poèmes pour la paix
Paul Éluard
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