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« Celui qui croyait au ciel (et) celui qui n’y croyait pas »
Toute référence à ce texte reste d’une brûlante actualité. Son sujet est aussi éternel, écrit dans les circonstances particulières de la Résistance en France en 40-45, il peut s’appliquer à toutes les circonstances et à toutes les époques où on dut faire appel aux mêmes valeurs. C’est pourquoi, sans commettre une erreur de datation, il peut s’appliquer aux combattants de 14-18. Et qu’il est aussi universel.
Le poème La rose et le réséda fut d'abord publié clandestinement en 1942.
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ARAGON le publia à Marseille, dans le journal Le Mot d'Ordre. Dans ce poème Louis Aragon utilise la forme et un thème de la chanson populaire pour glorifier la Résistance et pour prôner, à l'intérieur de celle-ci, l'union des catholiques et des communistes.
Après la guerre, ce poème fut repris dans le recueil La Diane française réunissant des poèmes écrits durant la guerre ou lors de la Libération.
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Quand Aragon le republia en 1945, il le dédia « A Gabriel Péri et d'Estienne d'Orves comme à Guy Môquet et Gilbert Dru ». cette dédicace n’existait donc pas à l’origine.
Gabriel Péri, mort pour la France le 15 décembre 1941 à l’âge de 39 ansau Mont-Valérien, était un journaliste à l’Humanité et homme politique membre du Comité central du Parti communiste français.
Honoré d’Estienne d’Orves mort le 29 août 1941 au Mont-Valérien, officier de marine français, héros de la Seconde Guerre mondiale, martyr de la Résistance. Sa famille paternelle était de vieille souche provençale royaliste et légitimiste.
Guy Môquet, communiste, mort le 22 octobre 1941 à Châteaubriant, était un militant communiste, célèbre pour avoir été le plus jeune des quarante-huit otages fusillés, le 22 octobre 1941, à Châteaubriant, Nantes et Paris en représailles après la mort de Karl Hotz.
Gilbert Dru était un résistant français et militant chrétien, exécuté à Lyon le 27 juillet 1944.
Les deux fleurs, la rose rouge et le réséda blanc symbolisent par leurs couleurs deux appartenances politico-religieuses : le rouge est la couleur des socialistes, traditionnellement athées, le blanc, celle de la monarchie, et plus généralement du catholicisme qui lui est associé dans l'histoire de France. La rose symbolise le communiste anticlérical ; la couleur blanche du réséda représente la noblesse.
C’est, pour Aragon, communiste, un poème de circonstance. A l'époque le Parti Communiste pratiquait la politique de "la main tendue" envers les catholiques. Ce texte, vu aujourd’hui au-delà de ces circonstances, exalte la grandeur de l'idéal d'unité qu'il illustre. Ce poème très célèbre est porteur aussi d'espoir : celui de retrouver un jour la joie dans les foyers.
Ce poème célèbre le courage des hommes qui réussirent à dépasser leurs convictions personnelles de religion et de politique afin d'oeuvrer ensemble pour une noble cause : la libération de la France pendant l'Occupation durant la seconde guerre mondiale. Communistes et catholiques se retrouvèrent en effet pour combattre, pour souffrir et pour mourir ensemble dans l'espoir de jours meilleurs.
Ce poème est resté célèbre après la guerre. Il fut lu dans la cour des Invalides pour le 20° anniversaire de la Libération.
À Gabriel Péri et d’Estienne d’Orves comme à Guy Môquet et Gilbert Dru
Celui qui croyait au ciel
Celui qui n'y croyait pas
Tous deux adoraient la belle
Prisonnière des soldats
Lequel montait à l'échelle
Et lequel guettait en bas
Celui qui croyait au ciel
Celui qui n'y croyait pas
Qu'importe comment s'appelle
Cette clarté sur leur pas
Que l'un fût de la chapelle
Et l'autre s'y dérobât
Celui qui croyait au ciel
Celui qui n'y croyait pas
Tous les deux étaient fidèles
Des lèvres du coeur des bras
Et tous les deux disaient qu'elle
Vive et qui vivra verra
Celui qui croyait au ciel
Celui qui n'y croyait pas
Quand les blés sont sous la grêle
Fou qui fait le délicat
Fou qui songe à ses querelles
Au coeur du commun combat
Celui qui croyait au ciel
Celui qui n'y croyait pas
Du haut de la citadelle
La sentinelle tira
Par deux fois et l'un chancelle
L'autre tombe qui mourra
Celui qui croyait au ciel
Celui qui n'y croyait pas
Ils sont en prison Lequel
A le plus triste grabat
Lequel plus que l'autre gèle
Lequel préfère les rats
Celui qui croyait au ciel
Celui qui n'y croyait pas
Un rebelle est un rebelle
Nos sanglots font un seul glas
Et quand vient l'aube cruelle
Passent de vie à trépas
Celui qui croyait au ciel
Celui qui n'y croyait pas
Répétant le nom de celle
Qu'aucun des deux ne trompa
Et leur sang rouge ruisselle
Même couleur même éclat
Celui qui croyait au ciel
Celui qui n'y croyait pas
Il coule il coule il se mêle
A la terre qu'il aima
Pour qu'à la saison nouvelle
Mûrisse un raisin muscat
Celui qui croyait au ciel
Celui qui n'y croyait pas
L'un court et l'autre a des ailes
De Bretagne ou du Jura
Et framboise ou mirabelle
Le grillon rechantera
Dites flûte ou violoncelle
Le double amour qui brûla
L'alouette et l'hirondelle
La rose et le réséda
Louis Aragon, « La Rose et le Réséda », mars 1943.
Repris dans La Diane française, Paris, Éditions Seghers, 1944.
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