Il y a 80 ans, la Belgique vivait ses 1ères rafles de Juifs.
( Un « vél’d’hiv » belge ? )
Dès 1940, une série d'ordonnances - 17 au total - ont été émises par les nazis afin d'identifier les Juifs, de les exclure de la vie économique et sociale ou encore de limiter leurs mouvements.
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Ces ordonnances officielles étaient aussi complétées par un arsenal de mesures vexatoires prises par les diverses autorités d'occupation et de collaboration.
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Comme dans toute l'Europe occupée, la population juive de Belgique n'a donc pas échappé à la persécution de l'occupant nazi. Environ 56000 juifs vivaient en Belgique à l’époque.
Plus de 12.000 convocations de "mise au travail" en Allemagne furent envoyés aux Juifs à partir du 25 juillet 1942. A peine 4.023 personnes ont répondu à cette convocation.
Vu l’échec de l’opération, les nazis décidèrent passer à la manière forte, la SIPO-SD procèda à des actions de masse, souvent nocturnes, pendant lesquelles plusieurs centaines de Juifs furent arrêtés. On bloquait tout un quartier ; dans chaque rue les Juifs étaient traqués ; aucune maison, aucun étage n’échappait.
Durant la nuit du 15 au 16 août 1942, une rafle de juifs ( la première ) était organisée à ANVERS par les nazis et les collabos : bilan, 845 personnes arrêtées. Deux autres grandes rafles ( 28-29 août et 11-12 septembre 1942) furent menées par les nazis assistés d’éléments flamands pronazis. La police anversoise participa aux trois rafles.
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Une autre rafle eut lieu à BRUXELLES, dans la nuit du 3 au 4 septembre 1942. la Sipo-SD, recourant uniquement aux polices allemandes ne put orchestrer que cette unique rafle. Contrairement à ce qui s’était passé à ANVERS, la police bruxelloise ne prêta pas son concours à l’occupant. Ce sont des policiers allemands qui procédèrent aux arrestations. Seuls deux policiers bruxellois furent réquisitionnés sur place et participèrent au bouclage des rues. Les forces policières allemandes se déployérent en nombre dans le quartier des Marolles. On arrêta 718 personnes emmenées à la caserne Dossin ; seuls 18 survécurent. Certains réussirent à s’enfuir parfois aidés par leurs voisins non-juifs. Le lendemain, leurs appartements étaient pillés par les Allemands.
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Près de 4.000 personnes ont été arrêtées lors de ces opérations de grande envergure menée entre août et septembre 1942.
A LIEGE, la mise au travail obligatoire des Juifs inaugura la dernière phase de la « solution finale », celle de l’anéantissement. Cela commença au début juin 1942 par l’affectation forcée de travailleurs juifs dans des entreprises importantes du bassin liégeois : Cockerill à Seraing, Ougrée-Marihaye à Ougrée, Ateliers de Construction de la Meuse à Sclessin, Phenix-Works et Tubes de la Meuse à Flémalle, et les charbonnages de la région, ou encore la Fabrique Nationale d’armes de guerre (FN) à Herstal. Le 24 septembre 1942, à LIEGE, l’occupant mena une vaste opération de ratissage afin d’arrêter un maximum de Juifs. Le total général des victimes de la « Solution finale » dans la région liégeoise avoisine les 733 : 96 étaient âgées de moins de 15 ans ; l’immense majorité sont des Juifs étrangers ; 35 Juifs belges ont été déportés.
A CHARLEROI, la communauté juive comptait environ trois mille personnes en 1940. Un réseau de résistants juifs a infiltré l’AJB de Charleroi et ils sont parvenus à confectionner une fausse liste à présenter aux allemands. Alors que les Allemands rassemblent des camions et des pelotons de Feldgendarmes, les résistants entament une course contre la montre. Ils se précipitent en vélo pour donner l'alerte. Chacun doit quitter son domicile sans attendre et reçoit une adresse où se cacher. Tous ceux qui ont suivi les conseils des résistants en abandonnant, sans retard, leur domicile, sont provisoirement hors de danger. Seuls 27 hésitants ou malheureux que les résistants n'ont pas pu prévenir sont tombés dans les griffes allemandes
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37 % des Juifs de Bruxelles sont morts en déportation, un chiffre qui se situe entre Liège et Charleroi. Bien inférieur à celui d’Anvers où plus de 65% des Juifs ont été déportés.
Après les rafles de l’été 1942, les Juifs n’ont eu d’autres issues que de plonger dans la clandestinité. Des réseaux d’aide se mirent en place, permettant le sauvetage de certains d’entre eux, à BRUXELLES notamment. Mais rien n’arrêta les persécutions et la traque. Fin octobre 1942, près de 17 000 Juifs ont déjà été déportés ; 9 000 autres le seront encore avant la fin de l’occupation. Pour cette traque, l’occupant bénéficie aussi de l’aide de « chasseurs de Juifs ».
Plusieurs éléments peuvent expliquer les différences entre les grandes villes: la concentration géographique beaucoup plus forte de la communauté juive à ANVERS, l’attitude des autorités locales, un comportement plus indifférent de la population, le rôle des « chasseurs de Juifs », le moindre développement des réseaux d’aide fournissant faux papiers et cachettes et les liens moins forts avec la société belge.
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Le convoi n° 7 (1000 déportés juifs) quitte la Belgique en direction d'Auschwitz.
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3 septembre : rafle à Bruxelles.
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8 septembre : le convoi n° 8 (1000 déportés juifs) quitte la Belgique en direction d'Auschwitz.
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11-12 septembre : de nouvelles rafles à AnversSeptembre 1942 mènent à l'arrestation de 1 422 Juifs.
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12 septembre: le convoi n° 9 (1 000 déportés juifs) quitte la Belgique en direction d'Auschwitz.
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15 septembre : le convoi n° 10 (1048 déportés juifs) quitte la Belgique en direction d'Auschwitz.
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25 septembre : 100 Juifs sont arrêtés à l'issue d'une rafle à Liège.
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26 septembre : le convoi n° 11 (1742 déportés juifs) quitte la Belgique en direction d'Auschwitz.
Tous ces faits alarmèrent les journaux clandestins qui s’efforcèrent de diffuser les informations au grand public. Ainsi, cet article du journal « L’Indépendance » de septembre 1942 :
Au nom de ce que vous avez de plus cher, sauvez les enfants juifs qui meurent abandonnés.
Le destin tragique des Juifs, victimes de la folie racique hitlérienne est, parmi tous les épisodes de cette guerre, sinon celui des plus douloureux, certainement un des plus ignobles, un des plus dégradants.
C'est, avec les cruautés contre les populations de Pologne et de Russie, la plus horrible manifestation d'un sadisme qui couvre l'Allemagne hitlérienne d'une honte ineffaçable.
Jamais aucun Belge ( nous ne parlons pas des vendus qui, aux yeux du F. I, ne sont plus des citoyens Belges ) ne consentira, ne s'abaissera à croire nécessaire pour la victoire du Grand Reich Allemand, l'extermination d'une poignée de pauvres juifs.
Tout homme de bonne foi, tout homme pour qui les valeurs humaines restent l'essentiel de la vie spirituelle et sensible, tout honnête homme enfin, repousse avec horreur cette persécution ignoble et s'élève avec force contre des pratiques et des hommes aussi monstrueux.
Le Front de l'Indépendance a exprimé publiquement et à plusieurs reprises déjà, toute la sympathie de ses membres pour les victimes du racisme hitlérien. Aujourd'hui, il insiste pour que chacun aide ces malheureux dans la mesure de ses possibilités.
Les enfants sont abandonnés. Plutôt que de les laisser mourir de faim, hébergeons-les soignons-les, adoucissons leur misérable sort. Cachons tons ceux que la Gestapo recherche. Sauvons-les de la torture, des souffrances sans nom, de la mort, qui les guettent dans les prisons et les camps de concentration.
Belges, nous vous demandons de remplir le plus élémentaire devoir d'humanité. Au nom de ce que vous avez de plus cher et de plus sacré, sauvez les enfants juifs qui meurent abandonnés. Sauvez leurs parents.
Adressez-vous au Front de l'Indépendance qui s'occupe de placer, de soutenir les victimes d'Hitler et de ses complices Versez votre obole. Donnez ce que vous pouvez. Pensez à ceux que vous aimez et qui grâce à la générosité de chacun, seraient sauvés si jamais ils étaient eux aussi pourchassés. |
Et cet article de Clarté, de septembre 1942 :
Arrêtons l'anéantissement des Juifs
Depuis plusieurs semaines, l'occupant se livre à d'atroces persécutions contre les Juifs. Avec la complicité de l'O.N.T., il exécute le projet d'envoyer 2.500 travailleurs juifs à Toulogie et Charles Mo, 5.700 à la côte belge pour y construire des fortifications.
Astreints à un travail exténuant, nourris d'une façon scandaleusement insuffisante, roués de coups, ces hommes sont condamnés à une lente agonie et doivent encore forger des armes au profit de leurs bourreaux.
La Gestapo, de son côté, réalise la déportation de 10.000 Juifs, hommes, femmes et enfants vers les territoires de l'Est. Le grand nombre de jeunes filles de 12 à 16 ans ainsi déportées fait craindre que les brutes nazies les destinent au sort auquel furent condamnées des milliers de jeunes filles en Pologne, livrées aux caprices sadiques de la soldatesque hitlérienne.
Hitler commence par les Juifs, et demain ce seront nos jeunes gens, nos jeunes filles qui seront livrés au même supplice, si nous ne faisons pas échec à cette infamie par une résistance collective de tous les ennemis du nazisme exécré.
Des manifestations se sont déroulées à la gare d'Anvers où des centaines de Flamands ont crié leur mépris aux soudards ennemis et à leurs complices belges.
A Bruxelles. 200 habitants de la rue Haute ont escorté une famille juive déportée.
Il faut agir beaucoup plus énergiquement encore ! Des rafles sont organisées par la Gestapo. Les malheureux, arrachés à leurs foyers, sont roués de coups jusqu'au sang à la moindre résistance, des enfants sont jetés dans les camions comme des paquets.
Il faut qu'à chacune de ces rafles, les voisins manifestent contre les tortionnaires de la Gestapo et les fassent reculer.
Il faut aider les Juifs à se cacher, à rester parmi nous pour lutter contre l'occupant plutôt que de partir travailler au profit de la machine de guerre allemande.
Trouvons-leur des logements, prenons chez nous les jeunes enfants de ceux qui veulent combattre dans l'illégalité plutôt que de devenir des esclaves de Hitler !
Serrons les rangs pour mieux frapper l'ennemi commun ! |
A Bruxelles, le 2 septembre 2012, le bourgmestre Freddy Thielemans a présenté les excuses de la ville à la communauté juive. En 2018, Philippe Close a inauguré « la place des 3 septembre », à l’entrée du quartier des MAROLLES. Cette date du 3 septembre est triplement symbolique : elle fait tout à la fois référence à la rafle de 1942 ; à l’arrestation des Juifs belges un an plus tard et à la libération de Bruxelles le 3 septembre 1944. D’où le pluriel...
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