FLOSSENBÜRG :
Le camp oublié.
Le camp de concentration de Flossenbürg est souvent qualifié de camp "oublié". Il occupe une faible place dans l'historiographie de la Seconde guerre mondiale et dans les débats internationaux. Existe pourtant une Association des Déportés et familles des Disparus du camp de Flossenbürg - association.flossenburg@gmail.com.
Ce camp est peu connu du public, sans doute parce qu'il fut libéré alors que la presse avait déjà exposé les horreurs découvertes dans les premiers camps libérés, situés plus à l'ouest en Allemagne.
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1 Localisation.
Flossenbürg fut le quatrième camp de concentration ouvert par les nazis. Jusqu’alors, Flossenbürg n’était qu’un petit village de la forêt du Haut-Palatinat, en Bavière, près de la frontière avec la Tchécoslovaquie. En raison de ses gisements de granit, de nombreuses carrières y étaient exploitées dès la fin du 19e siècle.
C'est là qu'en mai 1938, sur décision d'Himmler après Dachau, Buchenwald et Sachsenhausen, on construisit un nouveau camp de concentration.
L'une des parties les plus sinistres du camp tel qu'on peut le visiter aujourd'hui est la vallée des morts, avec des monuments commémoratifs à ceux qui sont morts dans le crématorium voisin. Il comprend un monticule herbeux surélevé qui représente les "pyramides de cendres" qui étaient régulièrement déversées à l'extérieur du crématorium.
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2. But de ce choix.
Les SS ont d'abord voulu profiter du travail non rémunéré des prisonniers politiques allemands, les soi-disant « asociaux " (non-travailleurs, personnes d'autres croyances ou orientation sexuelle), minorités nationales et ethniques.
Au début, le personnel SS utilisa les prisonniers en travailleurs forcés pour la construction du camp et l'exploitation de la carrière de granit. Ainsi furent taillées à bon marvhé les pierres qui servirent à ériger les bâtiments monumentaux du "Centre de congrès du parti" (Reichsparteitag) à Nuremberg.
Au fur et à mesure de l'évolution de la Seconde Guerre mondiale, les prisonniers furent également contraints de fabriquer des pièces d'avion et d'autres armements.
3. Aperçu historique.
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Les premiers prisonniers furent des Allemands et des Autrichiens transférés des camps de concentration de Dachau, Buchenwald et Sachsenhausen. Le premier occupant ( immatriculé 1 ) est un prisonnier allemand, le 3 mai 1938.
L'automne 1939 voit arriver les premiers transports en provenance de Pologne.
À partir de 1940, la Gestapo envoie des travailleurs forcés et des prisonniers de guerre à Flossenbürg. Les SS déportent des Polonais, des Russes, des Biélorusses, des Ukrainiens et des Slovènes des régions occupées. Le premier convoi de prisonniers étrangers arriva à Flossenbürg le 5 avril 1940.
A la fin du printemps 1940, les prisonniers de Dachau retournèrent dans leur camp. Ils furent remplacés par de nouveaux prisonniers politiques, notamment par des Tchèques.
De mai 1938 à mai 1944, SS et Gestapo y font déporter 22 000 hommes. Durant la dernière année de la guerre s’y ajoutent 78 000 autres prisonniers, dont 16 000 femmes. Plus de la moitié des détenus est d’origine polonaise ou soviétique. Les prisonniers juifs, plus de 22 700, proviennent principalement de Pologne et de Hongrie. Des détenus en provenance de France, de Belgique, du Grand-Duché, d’Italie, de Yougoslavie et de Grèce échouèrent à Flossenbürg après être passés par d’autres camps de concentration.
Comme la place du travail forcé des prisonniers devenait de plus en plus cruciale dans la production d'armement, les autorités allemandes établirent une centaine de camps satellites, situés principalement près des usines d'armement du sud de l'Allemagne et de l'ouest de la Tchécoslovaquie. Un détachement fut chargé de travailler sur l'exploitation agricole de la veuve du général SS Reinhard Heydrich, l'ancien chef de l'Office central de la sécurité du Reich (Reichssicherheitshauptamt ; RSHA) décédé en juin 1942 des suites d'une tentative de meurtre à Prague.
En 1945, durant les derniers mois de guerre, on y enregistra plus des trois-quarts des prisonniers. À la suite de la répression de l’insurrection de Varsovie et de l’évacuation des camps de Plaszow, Auschwitz et Groß-Rosen, des milliers de Polonais et de juifs polonais arrivèrent à Flossenbürg.
4. Le chaos et la libération.
Quelques jours seulement avant la dissolution du camp, en avril 1945, des milliers de prisonniers parviennent encore, à l’issue des marches de la mort, évacués d'autres camps sans y être immatriculés. Parmi eux, la princesse Antonia de Luxembourg.
Début avril 1945, les SS organisèrent un "procès" superficiel et exécutèrent le général Hans Oster , l'amiral Wilhelm Canaris , le révérend Dr Dietrich Bonhoeffer , le Dr Karl Sack , le Dr Theodor Strünck et le général Friedrich . von Rabenau , qui ont été impliqués dans le complot du 20 juillet contre Adolf Hitler ou dans des complots antérieurs contre Hitler, avec la résistante française Simone Michel-Lévy, qui avait réussi à organiser un soulèvement dans le camp.
Le 20 avril 1945, à l'approche des troupes alliées, le camp est évacué en quatre colonnes qui comprennent au total 14 800 détenus, dont l’une atteint Dachau. Lors de marches forcées d’environ 80 km, 7 000 prisonniers périssent et les survivants sont libérés le 23 avril 1945 par une colonne blindée de la 3e Armée américaine. A ce moment, près de 4000 étaient déjà morts d'épuisement ou assassinés par les SS. D'autres se retrouvèrent libres après la désertion, en pleine nuit, des gardes SS.
Une autre colonne libéra le camp le même jour, sans résistance. Elle y rencontra seulement quelques centaines de prisonniers malades, complètement affaiblis. Environ 200 moururent après la libération.
Des civils allemands des alentours furent forcés de visiter le camp de concentration de Flossenburg après la libération.
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Voici le témoignage d'un prisonnier, Leo Mistinger, qui décrit le jour de la libération:
« Le 23 au matin, ils étaient là avec une jeep et une mitrailleuse qui sortait par la fenêtre, et quatre soldats. Ils mâchaient du chewing-gum et fumaient, et des larmes coulaient sur mes joues. J’avais à présent le sentiment que je pouvais rentrer chez moi maintenant, que j’avais survécu et que je pouvais rentrer chez moi. »
Parmi les "petits chefs", S.S. ou kapos, 489 furent inculpés et jugés. Dix-sept furent condamnés à mort et exécutés, onze furent condamnés à la détention à vie et quatorze à des peines allant de 10 à 30 ans de détention.
5. Les conditions de vie.
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La hiérarchie SS dans le camp était tout aussi brutale et corrompue que dans les autres camps.
Au départ, le camp principal avait été conçu pour 1600 prisonniers. Il fut réaménagé pour en accueillir 3000. En réalité, plus de 111000 prisonniers passèrent par Flossenbürg, dont 95400 hommes et 16000 femmes. On estime que plus de 73000 personnes y trouvèrent la mort, dont 3515 Juifs.
Les conditions de vie étaient extrêmement dures. L'administration SS considérait Flossenbürg comme un camp de concentration de « régime dur ». La plupart des prisonniers devaient travailler dans les carrières de pierre. La malnutrition, le manque total d'hygiène et de soins médicaux et la brutalité des gardes SS furent les principales causes de la mort de milliers de prisonniers à Flossenbürg ainsi que dans les sous-camps.
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La façon dont les prisonniers étaient tourmentés et tués étaient pratiquement la même qu’ailleurs dans le système des camps. Les prisonniers étaient battus, frappés à coups de pied et piétinés (en particulier par les Kapos, qui recevaient des matraques en caoutchouc), ridiculisés et humiliés, contraints à des exercices épuisants, suspendus par les poignets, les bras derrière le dos, et aspergés d'eau froide pendant temps glacial, pour ne citer que quelques-uns des abus les plus courants. Ils ont été abattus "alors qu'ils tentaient de s'échapper", abattus par des pelotons d'exécution, pendus, battus à mort, noyés, étranglés et ont reçu des injections létales.
En janvier 1940, après le déclenchement de la guerre, la ration alimentaire des prisonniers fut davantage rationnée : les portions de nourriture plus petites et moins nutritives. En règle générale, cela réduisait les prisonniers à de la soupe pour le déjeuner et le dîner, avec un seul morceau de pain. Ces rations étaient en outre limitées par les gardes SS, qui volaient ou limitaient souvent la quantité de nourriture que les prisonniers recevaient réellement. Les calories par personne et par jour étaient généralement en moyenne de 1300 calories
Compte tenu des conditions épouvantables et de la nourriture insuffisante à Flossenbürg, le plus grand nombre de prisonniers succomba à la maladie et à la malnutrition. Une épidémie de dysenterie a paralysé tout le camp pendant tout le mois de janvier 1940, et le typhus a balayé les casernes surpeuplées en septembre 1944 et à nouveau en janvier 1945. La mortalité a été particulièrement élevée pendant les derniers mois chaotiques avant la libération, car l'ensemble du système avait commencé à se décomposer.
Le travail imposé tourne toujours autour de deux grands axes : d’une part l’industrie de l’armement, et en particulier de l’aéronautique avec des usines Messerschmitt, et d’autre part les travaux dans les carrières de granit, le forage de tunnels et d’usines souterraines.
En février 1943, la société Messerschmidt avait ouvert une usine de production de pièces d'avions de combat ME-109. La production de pièces d'avion devint la principale activité des travailleurs forcés à Flossenbürg en 1944.
Il y avait des crématoires ainsi qu'un lieu d'exécution situé pour des raisons "pratiques" à côté des crématoires. Le camp était entouré d'une enceinte barbelée électrifiée ainsi que de plusieurs miradors. Deux de ces miradors sont toujours visibles.
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Une particularité du camp de Flossenbürg était la présence de nombreux délinquants qui avaient un statut de “vétérans” au sein de la population carcérale. Tolérés par les SS, ils étaient majoritaires dans une administration pénitentaire particulièrement brutale et corrompue. Cette domination des prisonniers de droit commun se manifestait par l'exploitation sexuelle des prisonniers de rang inférieur. Les relations homosexuelles forcées et les viols furent assez fréquents pour que les mineurs de sexe masculin soient isolés par les autorités du camp dans des baraquements séparés afin d'empêcher, en vain, qu'ils ne deviennent des proies sexuelles.
En plus du taux de mortalité généralement élevé (1 367 décès enregistrés pour le seul mois de mars 1945), les autorités du camp menèrent de nombreuses opérations de fusillades individuelles et de masse. Les gardes SS fusillèrent à Flossenbürg, avant la fin 1944, plus de 1 000 prisonniers de guerre soviétiques. Ces exécutions de prisonniers de guerre soviétiques continuèrent ensuite de façon sporadique jusqu'en 1944.
Entre février et septembre 1941, les autorités du camp fusillèrent environ 500 prisonniers polonais. En 1944, 40 prisonniers de guerre soviétiques, identifiés comme étant les instigateurs d'une révolte de prisonniers dans le camp annexe de Mülsen Sankt Micheln, furent executes par les SS.
Le 29 mars 1945, 13 prisonniers de guerre alliés furent pendus. Ils avaient été arrêtés à l'été 1944 sur la côte normande, derrière les lignes allemandes. Dix jours plus tard, le 9 avril, les SS exécutèrent plusieurs personnes dont certaines liées de près à la tentative d'assassinat d'Hitler du 20 juillet 1944.
Le taux de mortalité fut généralement élevé (1 367 décès enregistrés pour le seul mois de mars 1945). Au moins 1693 Belges n’en sont pas revenus.
6. Les prisonniers célèbres.
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Le prince Philipp, landgrave de Hesse , ex-gouverneur de Hesse-Kassel en tant que membre du parti nazi emprisonné à Flossenbürg en septembre 1943.
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Wilhelm Franz Canaris , ex-chef de l'Abwehr 1935-1944 et membre de la Résistance allemande.
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Hans Oster , chef adjoint de l'Abwehr sous Canaris et comploteur principal contre Hitler.
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Kurt Schumacher , futur patron du SPD.
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Dmitry Karbyshev , général de l'Armée rouge , en 1943-1944.
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Ignacy Oziewicz , le premier commandant de Narodowe Sily Zbrojne .
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Dietrich Bonhoeffer , pasteur et théologien luthérien allemand, partisan du complot antihitlérien.
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Rudolf Viest et Ján Golian , généraux slovaques et commandants du soulèvement national slovaque ont probablement été exécutés à Flossenbürg.
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Bertram James ("Jimmy" James), RAF, survivant de la Grande Évasion.
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Marian P. Opala , a ensuite été juge en chef de la Cour suprême de l'Oklahoma.
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Josef Kohout , détenu homosexuel et sujet du livre Die Männer mit dem rosa Winkel (Les hommes au triangle rose).
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Robert Desnos interné dans le camp annexe de Flöh, mort d'épuisement ou de maladie peu après l'évacuation.