Paul BRUSSON
Il nous a quittés il y a dix ans !
/image%2F2782635%2F20211118%2Fob_20739b_brusson-5.jpg)
Il y a 10 ans, Paul Brusson décédait à l'âge de 90 ans, après avoir témoigné pendant près de 30 ans et presque jusqu'à son dernier souffle de sa douloureuse expérience de déporté dans les camps nazis.
1. Paul BRUSSON avant guerre.
Paul BRUSSON, décédé le 27 octobre 2011, est né à OUGREE le 29 avril 1921. Il a grandi à Sclessin dans une famille ouvrière. Ses parents étaient concierges à l’école communale du château. Après des études professionnelles à l’Ecole de chaussure de la Ville de Liège, il obtient son diplôme de maître artisan cordonnier. Il entre au service des plus grands chausseurs de la Cité ardente.
Dès 16 ans, il est secrétaire-adjoint de la section « vente du journal » de la jeunesse du parti socialiste ( le POB à l’époque ). Il est déjà sensibilisé à la montée du Nazisme, de l'extrême droite en Europe et plus particulièrement du rexisme en Belgique.
A la fin de la guerre civile espagnole, avec les JGS, il prend part à l’accueil des nombreux réfugiés espagnols à Liège. Leur objectif : que les enfants républicains arrivés à Sclessin y soient accueillis dans des familles. Plus tard, ces actions lui permettront de nouer de précieux liens d’amitié dans les camps de concentration avec des détenus espagnols .
2. Le tournant de 1940.
Quand la Seconde Guerre mondiale éclate, lui qui avait grandi dans la banlieue ouvrière de LIEGE, et qui était déjà anti-rexiste avant 1940 ne pouvait être que Résistant sous l’occupation allemande.
A l’automne 1940, il s’inscrit au mouvement Solidarité du Front de l’Indépendance. Refusant la trahison de Henri DEMAN, il devient aussi membre du Parti Socialiste clandestin.
Il va fournir aux alliés divers renseignements qu’il peut récolter : par exemple, compter le nombre de chars qu’il voit passer dans un convoi et transmettre ces chiffres à l’échelon supérieur de la résistance.
Il va aussi distribuer des tracts et des journaux de la presse clandestine tels que la « Churchill gazette » ( anglophile ), « Le Monde du Travail » ( Parti Socialiste clandestin ) et les bulletins du FI. Ces publications critiquent les agissements de l’occupant et appellent à la résistance, blâmant la collaboration, surtout celle qui est prônée par le rexiste Léon Degrelle.
Ces publications étant interdites par les nazis, les tirages se font clandestinement et leur distribution ou même leur simple possession comporte d’énormes risques. Il participe aussi aux collectes de fonds pour la Résistance.
Trop confiant lors des services qu’il rend au mouvement « Solidarité » du Front de l’Indépendance, il est arrêté par la Gestapo, la veille de ses 21 ans.
3. L’arrestation.
La nuit du 27 au 28 avril 1942, il est réquisitionné par la police allemande pour monter la garde entre les gares d’Ougrée et Renory afin d’éviter un sabotage. Le lendemain matin, deux policiers allemands à la recherche d’enseignants de la commune, présumés résistants, se présentent à sa porte pour demander des informations.
N’écoutant que son courage, il part prévenir de l’arrivée imminente des nazis les institutrices de l’école du Perron à qui il avait distribué des tracts socialistes. Ensemble, ils suppriment les preuves de toute activité clandestine juste avant que les policiers n’arrivent. Ces derniers qui venaient de le voir à son domicile s’étonnent de sa présence chez les suspects. Ils l’arrêtent et l’emmènent au siège de la Gestapo au Boulevard d’Avroy. La tournure de l’interrogatoire lui fait penser que quelqu’un a dénoncé ses activités antifascistes. Malgré la rudesse de l’interrogatoire, il ne donnera aucune information pouvant incriminer ses « collègues ».
4. Les années de détention.
Après cet épisode douloureux, avec quelques autres liégeois, il est transporté dans un autocar vers le Fort de Huy, première étape d’un long parcours. A ce moment, il aperçoit son frère cadet courir à côté du véhicule, tentant vainement de lui remettre un paquet de nourriture.
Trois années de détention l’attendent, lui qui est considéré comme dangereux : Fort de Huy, Breendonk, Mauthausen, son annexe de Gusen (Autriche), Natzweiler-Struthof (Alsace) et enfin Dachau-Allach (Bavière).
Considéré comme « NN »; c’est-à-dire Nacht und Nebel (Nuit et Brouillard), Paul Brusson faisait partie des détenus « dangereux », qui devaient disparaître sans laisser de traces.
Quelques jours après son arrivée à Mauthausen, après une altercation avec un sous-kapo, on l’envoie à Gusen I, camp disciplinaire de Mauthausen, avec l’étiquette NN en triangle rouge et un nouveau numéro (15420). Le premier appel est fait à 5 heures du matin et le couvre feu est à 20 heures 30. Dans ce laps de temps, il doit travailler et il commence à souffrir du manque de nourriture et de la fatigue.
Il bénéficie de plusieurs chances qui lui permettront de survivre. Utilisant ses compétences de cordonnier, on le charge de fabriquer ou réparer les bottes des SS, une tâche peu éprouvante comparée à d’autres.
Il rencontre un homme extraordinaire qui lui a sûrement, par de petites choses, sauvé la vie, le Père Gruber, un prêtre catholique allemand non prisonnier. Durant tout son séjour à Gusen, il lui remettait, dès que cela était possible, un peu de nourriture. Son soutien moral a été déterminant pour de nombreux prisonniers. Le Père Gruber est mort en 1944 sous la torture des SS après qu’ils se soient aperçus de sa « trahison ».
Il bénéficie également d’une autre opportunité. Il prend part aux matchs de foot organisés par les nazis contre un peu de nourriture. Suite à la mort de la plupart de ses compatriotes tout fraîchement arrivés de Breendonk, Mauthausen et Huy, il est inséré dans l'équipe allemande. Celle-ci est coachée par le Lagerälteste n°2 qui a combattu à Liège en 14-18. Ce dernier jouera un rôle important pour sa survie en lui procurant de la soupe et du pain avec du fromage.
En juin 1944, il est transféré au KZ Struthof près de Natzweiller (Alsace). De là, en automne 1944, il est trnsféré au KZ Dachau, puis au camp annexe d'Allach à Munich, où il rejoint une organisation secrète de prisonniers du camp.
Libéré le 30 avril 1945 par les troupes américaines, il est l’un des 15 survivants des 120 déportés du convoi du 8 mai 1942. Mais le camp fut maintenu en quarantaine en raison d'une épidémie de typhus qui y faisait rage. Paul Brusson est rentré à Sclessin, le 31 mai 1945.
5. Retour à la vie civile, mais début de nouveaux combats.
En 1945, après son retour de captivité, il se marie. Il quitte son métier de chausseur en 1949 pour entrer à la Police d’Ougrée. Il suit les cours d’officier de police de la Province de Liège. Il est nommé Commissaire-adjoint en 1962, puis Commissaire de Police en 1974. Il est également membre, pendant 20 ans, de la Commission d’Assistance publique d’Ougrée avant d’en être le président pendant 7 ans. Après la fusion des Communes en 1977, il deviendra Commissaire de Police en chef de la Ville de Liège.
Mais au-delà de ce parcours professionnel exceptionnel, Paul Brusson fut d’abord un passeur de mémoire. Depuis son retour de captivité, il milite au sein de la Confédération Nationale des Prisonniers Politiques et Ayants Droit et dans de nombreuses associations patriotiques.
Il entame un combat contre l’oubli. Il refuse de gommer un passé pénible que beaucoup n’osent évoquer. Dès les années 1950, il convie des veuves de guerre et leurs enfants à un voyage commémoratif à Mauthausen. Ensuite, il s’adresse à ses collègues de travail.
Une fois retraité, Paul Brusson entreprend de guider étudiants et professeurs vers les camps de la mort. Il a toujours répondu présent lorsque les écoles lui demandaient de témoigner de sa douloureuse expérience. Jusqu’à son dernier souffle, il y consacra l’essentiel de son temps, renouvelant annuellement ce voyage de mémoire, contre l’oubli et contre la renaissance de l’extrême-droite.
Malgré son âge avancé, il a toujours tenu à accompagner les jeunes sur place jusqu'en 2009. Après, il n'a plus pu le faire mais il n’est pas resté inactif. Quelques mois avant son décès, il avait encore présenté à un groupe de jeunes le voyage qu'ils allaient effectuer, leur rappelant toute l'importance de ne jamais oublier.
Il est un des membres fondateurs des « Territoires de la Mémoire » qui a pu bénéficier de ses conseils éclairés et auquel il a cédé des objets personnels ramenés des camps. Il fut aussi Président de l’Amicale de Mauthausen, du comité de restauration du Fort de Huy, et vice-président du Conseil d’Administration de l’Institut national des Invalides de Guerre.
En 2003, il publia « De mémoire vive » un livre-témoignage poignant sur les atrocités que ses camarades et lui-même ont subies. Plus qu'un témoignage, ce récit sans concessions d'un rescapé de Mauthausen est un appel à l'expérience, à la nécessité de toucher à travers lui à l'inconcevable et ainsi faire en sorte que nous ne soyons jamais complice de sa répétition.
/image%2F2782635%2F20211118%2Fob_0f06af_frontimageslink.jpg)
6. Les signes de reconnaissance.
En 1996, le Président de la République autrichienne lui décerna la Croix d’Honneur d’Autriche.
En 1997, le Rotary de Liège-sud crée la fondation Paul Brusson.
En 2008, il est fait membre honoraire du Comité mémorial de Gusen.
En 2012, il a obtenu le prix du Citoyen Européen à titre posthume pour son action auprès de la jeunesse.
En 2012, le Gouvernement wallon a élevé Paul Brusson à la distinction d’Officier du Mérite wallon (O.M.W.), à titre posthume.
En 2013, à l'occasion du 50e anniversaire de sa fondation, l'Athénée Royal de Montegnée prend le nom d’Athénée Royal Paul Brusson.
Il est aussi Citoyen d’Honneur de Seraing.
/image%2F2782635%2F20211118%2Fob_4ba4d8_telechargement.jpg)
7. La Fondation Paul BRUSSON.
La Fondation Paul Brusson, association sans but lucratif créée en 1997 par le Rotary Clud Liège Sud a statutairement pour objectifs :
- perpétuer, par le témoignage actuel, le souvenir des victimes de l’univers concentrationnaire nazi et de continuer leur combat pour un monde meilleur;
- lutter contre la renaissance de tous régimes totalitaires, contre leurs tendances et contre toutes persécutions raciales;
- développer la fraternité et l’union entre tous les hommes de bonne volonté, indépendamment de leur race, de leur nationalité, de leur religion, de leur philosophie.
/image%2F2782635%2F20211118%2Fob_244de4_9782871301028.jpg)