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awans-memoire-et-vigilance.over-blog.com

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Site relatif au devoir de mémoire. Concerne la FNC, la FNAPG et la CNPPA pour AWANS, BIERSET. Concerne les combattants, les résistants, les prisonniers, la guerre, l'armistice, la libération. Reportages sur les commémorations, les Monuments aux Morts, la Fête Nationale. Discours 11 novembre, 21 juillet et autres.


Pourquoi pas d'opération semblable à l'Opération GUTT en France.

Publié le 30 Septembre 2021, 17:39pm

OPERATION GUTT :

VRAIMENT RIEN DE SEMBLABLE EN FRANCE ?

POURQUOI ?


 

1. Nécessité d’une remise en forme, en Belgique comme en France.

On doit avoir l’esprit que l'opération GUTT a été décidée et réalisée parce qu’une une remise en état fondamentale de l'économie était absolument nécessaire. Fin 1944/début 1945, on sortait d’une décennie de dépression suivie de quatre années de guerre. Cette Opération était en fait un système strict de réglementation et de contrôle grâce auquel l'économie monétaire et financière belge était isolée du contexte international. Une telle réédition serait inconcevable à l’heure actuelle.


 

Malgré les remous, les contestations et les diverses tentatives de « passer à travers les mailles du filet », elle fut réalisée sans trop de gros problèmes.


 

Alors, pourquoi une telle mesure n’a-t-elle pu être réalisée en France ?

Au sein du Gouvernement du Général de Gaulle, il y eut un conflit entre Pierre Mendès-France, Ministre de l'Economie, qui aurait voulu faire de même et René Pleven, Ministre des Finances qui s’y opposait. Charles de Gaulle donna la préférence à René Pleven qui prit des mesures plus classiques. Mais il apparaît que ce fut plutôt une question d’opportunité. Le Général aurait dit que l’esprit français, moins discipliné que l’esprit belge, ne le permettait pas.


 

La Belgique se releva de la guerre beaucoup plus rapidement que la France, ce qui ouvrit le débat: le plan Mendès-France, aurait-il eu de meilleurs résultats? Aurait-il été applicable? Ces questions restent toujours sans réponse.


 

2. Différences de situations entre les deux pays.


 

Il faut tenir compte des conditions particulières respectives. L'après-guerre se prépare pendant la guerre.


 

Or, durant la guerre, les deux pays eurent, à part le fait d'une capitulation, des destins différents aux yeux des alliés.


 

A Londres, le Gouvernement belge en exil était reconnu comme le Gouvernement officiel de la Belgique. Le 31 mai 1940, réunies en séance plénière à Limoges, en présence du premier ministre Pierlot, les deux chambres du parlement belge avaient dénoncé la « honteuse capitulation » du roi et approuvé ainsi l'attitude du Gouvernement. Le Gouvernement en exil se réfugia le 18 juin à Londres pour la durée de la guerre. C’était donc un Gouvernement officiel ayant reçu l’appui du Parlement.


 

Le territoire belge connut, à l'exception des cantons de l'est, un sort unique : l'occupation. Aucun gouvernement alternatif ne pouvait avoir la reconnaissance des alliés. Même le Roi, parce que considéré comme « prisonnier » ne pouvait prétendre à cette mission. Il ne la tenta d’ailleurs jamais.


 

Pour la France, l10 juillet 1940, à Vichy, l'Assemblée nationale réunissant les députés et les sénateurs avait adopté une révision de la Constitution, attribuant les pleins pouvoirs à Pétain. Soit sur 907 parlementaires, 649 suffrages exprimés, dont cinquante sept députés et vingt trois sénateurs ayant voté « non », et vingt abstentions ; soit 572 voix en faveur de la révision. Le Gouvernement de Vichy était donc bien le Gouvernement officiel de la France. A Londres,le Comité National Français Libre (CNFL) n'était pas reconnu comme le gouvernement officiel de la France mais comme la tête de la Résistance.


 

Le territoire français, contrairement à la Belgique, ne subit pas un sort unique. Contrairement à ce que l'on dit habituellement, la France ne fut pas partagée en deux zones, la situation était beaucoup plus complexe. On comptait :

  • la zone occupée ;

  • la zone « libre » ;

  • les territoires annexés (Alsace – Lorraine ) ;

  • les territoires rattachés au gouvernement militaire allemand de Belgique ( en gros, le Nord et le Pas de Calais ) ;

  • les territoires « réservés » ( vaste étendue de territoire au nord et à l’est de la zone occupée  ) : destinés à une colonisation allemande future. Le retour des réfugiés y était interdit.

Avec, pour chacune de ces zones, un sort particulier en ce qui concerne la gestion monétaire durant les cinq ans de guerre. Ainsi le Régime de Vichy avait mis en circulation une énorme masse monétaire sans contrepartie dans la production. Cela entraîna le pays dans la spirale sans fin de l'inflation.


 

Les Belges obtinrent de leurs alliés la reconnaissance de leur autorité en matière monétaire. Les Français de Londres n'eurent pas cette opportunité.


 

3. Opération monétaire dans la Corse libérée.


 

Pourtant, en 1943, Pierre Mendès-France avait, dans la Corse libérée, mis en place un système quasiment identique à l'Opération GUTT. La Corse libérée avait été rattachée à l'autorité du CFLN.


 

Plus question d'y laisser circuler les billets de la banque de France, semblables à ceux qui circulaient en zone occupée par les Allemands: l'île doit être soustraite à de possibles parachutages de coupures qui la mettraient à la merci d'une inflation et permettraient de ravitailler les agents subversifs.


 

Dès le 2 octobre, à l'initiative de Couve de Murville alors Commissaire aux Finances, le Comité fit paraître deux ordonnances spéciales relatives à des mesures monétaires.


 

On note les similitudes avec l'opération Gutt: Les billets de la Banque de France de 500, 100 et 5000 francs cessent d'avoir cours à partir du 29 octobre. Ils doivent être déposés dans les banques et remplacés par des billets de la Banque d'Algérie, surchargés de la mention « Trésor ».


 

L'échange se fait ici à concurrence de 5.000 francs par personne (et, pour les entreprises, de 3.000 francs par employé). En outre, l'ordonnance interdit aux banques d'effectuer des paiements en numéraire par le débit des comptes de leurs clients, sauf dans les limites édictées à l'égard des billets de banque et sous condition que les intéressés n'aient pas déjà usé de leurs droits en présentant des billets à l'échange.


 

Aucune restriction n'est apportée au droit de disposer des fonds bancaires au moyen de chèques ou virements. L'émission de titres au porteur ainsi que les transactions de toute nature sur les valeurs mobilières sont interdites, tandis que les avoirs en or et en devises étrangères font également l'objet de déclarations et de blocage.


 

Deux autres ordonnances, de nature fiscale, viendront compléter ces mesures les 6 et I mai 1944

La première porte sur la création d'une taxe exceptionnelle sur les accroissements de fortune réalisés en Corse depuis le premier janvier 1939 ; la seconde crée une commission chargée de rechercher et de confisquer les enrichissements illicites réalisés pendant la même période.


 

La Corse connut donc, douze mois avant la Belgique, une opération similaire à l’Opération GUTT.


 

Il est évident que certains, chez nous, en furent informés et se doutèrent d’une opération similaire chez nous et qu’ils prirent les devants. Impossible de faire fuir les capitaux comme maintenant...mais parfaitement possible de remplacer l’argent par autre chose : bijoux, œuvres d’art, vêtements, meubles. Il paraît qu’il y eut une forte demande de pianos !


 

4. Imbroglio monétaire durant la guerre.


 

Le cas de la France est exemplaire des liens entre monnaie et pouvoir.

En France, trois systèmes de pouvoir, en conflit, ont exercé une forme de souveraineté sur la monnaie durant la seconde guerre mondiale, chacun voulant utiliser la monnaie dans le sens de sa conception de la France ou de ses intérêts économico-politiques :

* l’occupant nazi, dont l’objectif était de subordonner les ressources françaises à la machine de guerre allemande ;

* le régime de Vichy, qui mit en place une stratégie de collaboration et tenta d’asseoir une souveraineté monétaire formelle ;

* la France Libre, qui finalement gagna la guerre et lutta pour dégager sa souveraineté.


 

5. Imbroglio lors de la Libération.

Le 8 novembre l942, les Américains débarquent en Afrique du Nord. Ils amènent avec eux leurs propres billets et fixent d'autorité le taux de change. La communauté européenne en exil est en émoi. Ce n’était qu’une répétition !


 

Le problème est que les Anglais et surtout les Américains ne consentent accorder au Général de Gaulle qu'une reconnaissance partielle:

«Le Comité est reconnu comme administrant les territoires d'outre-mer qui reconnaissent son autorité.». Donc pas le territoire français !


 

Les Alliés avaient projeté d'instaurer d'une administration militaire de la France libérée, l'AMGOT. Ces dissensions auront d'inévitables conséquences en matière monétaire. Les Français durent se battre, contre leurs alliés jusqu'à la libération de leur territoire ...et même au-delà !


 

À l'approche du débarquement du 6 juin 1944, le gouvernement américain, qui avait refusé de reconnaître le CFLN comme le gouvernement français, décida d'émettre des billets de banque pour remplacer les billets français émis durant l'Occupation. Les billets français devaient être échangés contre les « billets drapeau ». Cet échange de billets devait permettre d'éliminer les billets accumulés en quantité importante par les trafiquants du marché noir.


 

Le terme « billet drapeau » vient de la présence du drapeau français au verso de ces billets. Ils furent imprimés de février à mai 1944 par le Bureau of Engraving and Printing, normalement chargé d'imprimer les dollars américains.


 

 

 

La série comporte des coupures de 2, 5 et 10 francs de forme carrée, et les 50, 100, 500 et 1000 et 5000 francs de forme rectangulaire. Des pièces de 2 francs furent également frappées. Roosevelt arguait du fait que personne ne pouvait prévoir quel gouvernement serait adopté après la libération du pays. Contrairement donc à la situation belge où il était bien admis que le Gouvernement rentrant de Londres continuerait sa mission.


 

Le  8 juin, le Gouvernement provisoire de la République française adresse une sévère mise en garde aux gouvernements américain et britannique disant qu'« il ne reconnaît aucune valeur légale aux vignettes qui ont été mises en circulation sans son avis ».


 

 

Confronté à une circulation de monnaie alliée, d'ailleurs mal accueillie par la population, le Commissaire du Gouvernement provisoire recommande aux banques de les accepter sans les remettre en circulation.


 

Le 27 juin 1944, le Général de Gaulle décide l'interdiction de la circulation des « billets drapeau ». D'autre part, ils entraient en compétition avec les billets du Trésor imprimés à Londres. La circulation et l’usage de ces « vignettes » ne dura que jusqu'à la fin août 1944. Mais elles ne furent définitivement démonétisées qu’à fin 1947.


 

Les 23 milliards de billets qui ont été émis sont finalement résorbés et remplacés par des coupures de la Banque de France.


 

Paris est libéré le 25 août 1944. Le Gouvernement Provisoire de la République Française est enfin reconnu officiellement par les alliés. Mais de Gaulle a du mal à faire accepter son autorité par les pouvoirs locaux issus de la Résistance. Ce n'est qu'au bout de plusieurs mois ( les « milices patriotiques» liées au Parti communistes seulement dissoutes le 28 octobre) que le gouvernement mettra fin à une situation proche de l'anarchie.


 

Bien long détour pour expliquer pour quelles raisons, une opération similaire à l’Opération GUTT n’était pas possible en France. Pas plus que la réédition de l’opération qui avait été menée en Corse en 1943.


 

Cette absence d’une telle opération eut pour résultat la poursuite de l’inflation commencée durant la guerre. Voici, jusqu’en 1948, sur la base 100 en 1938, l’évolution de l’inflation en France.


 

1938 100

1939 107

1940 126

1941 148,1

1942 178,2

1943 221,3

1944 270,4

1945 401,6

1946 612,8

1947 913

1948 1449

 


 

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