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awans-memoire-et-vigilance.over-blog.com

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Site relatif au devoir de mémoire. Concerne la FNC, la FNAPG et la CNPPA pour AWANS, BIERSET. Concerne les combattants, les résistants, les prisonniers, la guerre, l'armistice, la libération. Reportages sur les commémorations, les Monuments aux Morts, la Fête Nationale. Discours 11 novembre, 21 juillet et autres.


SACHSENHAUSEN: du camps modèle au mouroir et à l'enfer nazi.

Publié le 30 Août 2021, 17:49pm

SACHSENHAUSEN.

« Sachso », comme les détenus l’avaient surnommé.

1. Localisation.

Le camp de concentration d'Oranienbourg-Sachsenhausen (en allemand Konzentrationslager Sachsenhausen, KZ Sachsenhausen ou encore KL Sachsenhausen), a été implanté en 1936 à Oranienbourg, ville située à 30 km au nord de Berlin.

Sachsenhausen est un quartier de la ville d'Oranienbourg.


2. Première installation avant la définitive : un camp « sauvage ».


Dès l’arrivée d'Hitler comme chancelier, le 30 janvier 1933, la répression s'engage contre les opposants. Le 20 mars 1933, les SA installent un camp « sauvage » dans une brasserie désaffectée d'Oranienbourg. Y sont « reçus » des parlementaires communistes et socialistes. L’un d’entre eux, Gerhart Seger, député social-démocrate, réussit à s'évader le 4 décembre 1933. Il publia en 1934, à Prague, Oranienburg, pour dénoncer les crimes commis par les nazis dans les camps.

Le camp «  sauvage » d'Oranienbourg fut fermé après la « Nuit des longs couteaux » durant laquelle la plupart des responsables SA furent assassinés.


 

3. Le camp « modèle ».

 


En 1936, à Sachsenhausen, débute la construction d'un camp, beaucoup plus grand, sous commandement S.S. Cela devait être un « camp modèle ». On pensait d’abord agrandir le camp de Dachau dont le commandant Theodor Eicke était, en même temps, inspecteur des camps de concentration. Mais comme l'inspection des camps de concentration (I.K.L.) se trouvait à Berlin, il fallait un camp de concentration tout proche.


 

Eicke ordonne, le 18 juin 1936, par lettre, que des forêts domaniales d'Oranienbourg soient mises à disposition « en vue de l'installation d'un camp de concentration ». Les travaux débutent de suite.


 

Dès les premières esquisses, le camp de Sachsenhausen présente des particularités uniques, répondant à la volonté de construire un « camp modèle » répondant à une architecture démontrant la supériorité nazie.


 

Les plans initiaux prévoyaient un double plan triangulaire.

Le triangle intérieur devait être réservé aux prisonniers. Une tour de garde placée au centre de la base du triangle en constituait l’élément central : des baraques disposées en éventail suivant des rayons partent de cette tour, une caserne disposée de manière transversale en agrandit la base.


 

Ce triangle est englobé dans un triangle plus grand. Sa base devait contenir les bâtiments pour la SS : pavillons d'habitation, garage des véhicules militaires des SS, les locaux de la Kripo, et ceux de l'inspection des camps de concentration (I.K.L.).


 

Le 12juillet 1936, les premiers prisonniers chargés de la construction arrivent du camp d’Esterwegen. Soumis à une cadence infernale, ils sont contraints de déboiser et défricher un terrain de 31 hectares en pleine forêt. Ensuite, il durent construire la caserne des SS, 18 premiers blocks pour les détenus, des baraques de travail et la prison, soit une centaine de bâtiments en une seule année. La date de livraison des premières baraques étant fixée au 1er octobre 1936, les détenus couchent à la belle étoile, les premières baraques construites étant réservées aux gardiens S.S.


Un prisonnier politique allemand, Bruno Strey, témoigne en 1961 :

« Il a fallu déboiser et porter des arbres de cinq à six mètres de long sur l'épaule au pas de course. Un SS était chargé d'accélérer la manœuvre : [...] lorsqu'un prisonnier passait devant lui, il sautait sur la couronne de l'arbre qui traînait à terre de sorte que, subitement freiné dans sa course [...], le prisonnier s'écroulait. »

 

Au début 1937, les SS ordonnent la construction d'une prison en forme de T, devant accueillir 80 cellules, et séparée du camp par un mur. Une prison dans la prison !


 

Dès 1938, le camp nécessite des agrandissements : 18 blocks supplémentaires sont bâtis à l’est du camp, à côté de la kommandantur. Ce sera le « petit camp », isolé du reste des baraquements par une clôture barbelée. À la même époque, la zone Industriehof est construite ainsi que de nouveaux bâtiments pour les SS. Chaque block-dortoir est prévu pour 120 à 140  détenus mais en octobre 1944, on en comptera jusqu’à 400.

 

L’espace concentrationnaire de Sachsenhausen couvre au final une superficie de 380 à 400 hectares. Loin de ce qui avait été prévu au départ. Outre les 68 baraques du camp et les installations à ses abords immédiats, le complexe ne cesse de s’étendre au fil du temps avec 500 baraques supplémentaires de taille et de fonction diverses : inspection générale des camps, office principal des affaires SS, garage automobile, service de renseignement SS, armement, magasin principal, office de dressage canin, centre de recherche.

 

Pour satisfaire à la mégalomanie de Hitler - transformer Berlin en « capitale du monde » ( GERMANIA ) qui réunirait les peuples germaniques au sein du Reich - la SS ordonne la construction d'une briqueterie sur le canal Oder-Havel. C’est Klinkerwerk, d’abord un commando puis camp annexe en 1941 lorsque les baraquements pour loger les prisonniers y sont construits.

À son apogée, le complexe de Sachsenhausen compte près d'une centaine de camps extérieurs et de Kommandos.

 

C'est à Sachsenhausen que Himmler installa son état-major et que l'inspection centrale des SS fit expérimenter ses méthodes d'extermination avant de les faire appliquer dans les autres camps : les camions à gaz destinés à l'Est ainsi que la "station Z" installation pour l'extermination par le gaz. 96 déportés juifs y sont assassinés.


 

4. La population du camps.


4.1.Evolution.

 

À la fin de l'année 1936, on y comptait 1600 prisonniers. Les premiers prisonniers étaient des opposants au régime nazi mais, plus tard, y furent également détenus certains groupes considérés par les nazis comme inférieurs sur les plans racial et biologique. La moitié environ étaient des prisonniers politiques, l'autre moitié, des condamnés de droit commun. Il y a également des « asociaux » et des homosexuels, arrêtés pour rendre Berlin plus présentable dans le cadre des Jeux Olympiques.

 

L’amalgame de détenus politiques et de droit commun était une technique éprouvée par l'administration nazie. Les SS chercheront en permanence à utiliser l'antagonisme des deux groupes dans l'administration parallèle des camps par les détenus.

 


En novembre 1938, à la suite de la Nuit de Cristal, près de 6 000 Juifs arrivèrent bientôt rejoints par d’autres. Ceux qui n'ont pas été libérés contre rançon sont déportés en octobre 1942.


 

À partir de 1939, on trouve également des prêtres catholiques et des pasteurs protestants, ainsi que les déportés d'origine polonaise et les étudiants tchèques.

 

Ensuite, jusqu'en 1945, des Juifs, des homosexuels, des témoins de Jéhovah, des « asociaux » (dont des Tsiganes et des Sinti), et, plus tard, des civils soviétiques y furent détenus aussi. 


Selon les statistiques tenues par les SS,

* au 15juin 1938 : sur 2976 détenus, on comptait 1721 politiques, 1162 « droit commun », 93 « divers ? », 0 juifs, 0 réfractaires au travail.

* au 28 juin 1938 : la population bondit à 9228 détenus dont 1739 politiques, 1175 « droit commun », 6221 réfractaires au travail, 0 juif, et toujours les 93 »divers » ;

* au 20 novembre 1938 : un nouveau bond, la population passe à 14062 détenus dont 1736 politiques, 902 « droit commun », 4854 réfractaires au tavail, 6471 juifs ( suite à la Nuit de Cristal ) et toujours les fameux 93 « Divers » ;

* au 31 août 1939, la population redescend à 6563 dont 1322 politiques, 3315 « droit commun », 964 asociaux, seulement 247 juifs, 367 Témoins de Jéhovah, et 348 « Divers ».

* au 30 décembre 1939, en quatre mois, la population double quasiment et passe à 12187 dont 4854 politiques, 3625 « droit commun », 1452 asociaux, 1332 juifs, 412 Témoins de Jéhovah, 166 soldays de la Werhmacht ( déserteurs ou punis )

* au 30 avril 1943, la population a à nouveau doublé, il y a 23408 détenus dont 7264 politiques, 1509 « droit commun », 826 asociaux, 7169 « travailleurs civils russes », 4993 polonais, 857 prisonniers de guerre russes, 788 « divers », on ne fait plus mention de juifs ;

* au 2 février 1945, on est passé à 69845 détenus dont 27627 politiques, 1861 « droit commun », 13303 femmes, 13659 « travailleurs civils étrangers », 732 prisonniers de guerre russes, 10983 juifs et 1660 « Divers ».

Remarque : « Divers » : Catégorie regroupant des Allemands ayant émigré ainsi que des soldats de la SS punis, puis des Témoins de Jéhovah et des homosexuels en 1939. À partir de 1942 elle comprend les personnes qui ont reçu pour sanction "l'extermination par le travail" et des républicains espagnols.


 

Compte tenu des transferts entre camps, des décès, de l’une ou l’autre sortie ( civils allemands et soldats punis ), on peut estimer que entre 1936 et 1945, plus de 200000 prisonniers y ont « séjourné ». Des milliers de personnes ont péri à cause des maladies, des travaux forcés et de la faim, tandis que d'autres ont été victimes des techniques d'extermination massive utilisées par les SS. On évalue à 84000 ceux qui y sont morts. En août 1941, un massacre de masse y a eu lieu avec l'exécution de plus de 13000 soldats soviétiques, prisonniers de guerre.


 

4.2. Marche de la mort et libération.


 

Les SS préparèrent l'évacuation du camp dès la fin de l'année 1944. L'ordre d'assassiner tous les déportés donné par Himmler se révéla impossible à exécuter pour raisons techniques. Une unité spéciale commandée par l'ancien responsable des crématoires d'Auschwitz-Birkenau en assassina au moins 2000 dans la « cour industrielle ».


Le 21 avril 1945, 30000 hommes de Sachsenhausen et 5000 femmes venant de Ravensbrück sont évacués, par groupe de 500, en direction de la Baltique. Des milliers de déportés, incapables de suivre, sont abattus d'une balle dans la nuque sur le bord de la route. Les 18000 survivants sont libérés le 2 et 3 mai 1945 entre Crivitz et Schwerin.

Le 22 et 23 avril 1945, à la fin de ce cauchemar, Sachsenhausen est libéré par l’Armée Rouge. Les soldats ont trouvé plus de 3 000 malades dont la moitié de femmes et médecins restés dans le camp.


 

4.3. Quelques prisonniers célèbres.

 

* Comte Pierre d’Alcantara de Querrieu. Membre de la Maison Royale de Léopold III, mécontent du second mariage du roi. Résistant dans un groupe d’anciens du régiment des grenadiers. Décédé le 14 octobre 1944.

* Iakov Djougachvili, fils de Staline. A servi dans l’Armée Rouge comme lieutenant de régiment d'artillerie. Capturé le 16 juillet 1941 et mort dans des circonstances étranges le 14 avril 1943, un suicide selon les SS.

* Paul-Emile Janson. Ancien premier ministre belge mort le 3 mars 1944 à Buchenwald.

* Martin Niemöller, pasteur qui avait appelé les pasteurs hostiles aux mesures antisémites à s'unir au sein d'une nouvelle organisation. A la fin de l'année 1933, 6 000 pasteurs avaient rejoint ce groupe dissident.

* Kurt von Schuschnigg, l'ancien chancelier autrichien.

* Georg Elser, né le 4 janvier 1903 et mort le 9 avril 1945 à Dachau. Figure majeure mais longtemps méconnue de la résistance intérieure au nazisme

* Herschel Grynszpann, Juif allemand, connu pour avoir abattu à Paris, le 7 novembre 1938Ernst vom Rath, troisième secrétaire à l'ambassade d'Allemagne, aussitôt promu conseiller de 1re classe par Hitler pour accentuer la gravité du crime.

* Francisco Largo Caballero chef du gouvernement de la République espagnole au début de la guerre civile, libéré le 25 avril 1945.

* plusieurs hommes politiques français : Georges Mandel, Paul Reynaud, Yvon Delbos…


 

5. Sur les conditions de vie.


5.1. Les mauvais traitements.


Les premiers assassinats connus ont lieu à partir de novembre 1936. Le 10 novembre, un SS arrache le béret d'un prisonnier ( Gustav Lampe, ancien député communiste ), le jette sur la clôture, lui ordonne d'aller le rechercheret l’abat froidement « pour « tentative d'évasion ». Au moins cinq autres assassinats sont attestés dans cette période : ceux de prisonniers incarcérés parce qu'ils étaient juifs, morts sous la torture entre décembre 1936 et février 1937.


 

La prison est le lieu de diverses exactions. Les SS y réalisent leurs interrogatoires utilisant les peines corporelles telles que la bastonnade, la pendaison au poteau, l'isolement dans une cellule sans lumière, etc. De nombreux prisonniers succomberont aux mauvais traitements.

 

Une punition : le « traitement 25 » : l'administration de 25 coups sur les fesses à un supplicié attaché à un chevalet de bastonnade. Des coups administrés soit par les SS, soit par des prisonniers de droit commun. Plus tard, les bastonnades auront lieu sur la place d'appel et les déportés devront infliger eux-mêmes la peine à leurs codétenus. La bastonnade est considérée par les SS comme la punition la plus légère dans l'échelle des sanctions. Un ancien déporté néerlandais ( Ab Nicolaas ) témoigne, en 1995 :

« Les fesses meurtries par les coups étaient soignées avec des emballages de margarine mis de côté spécialement à cet effet. Néanmoins, il n'était pas rare que les gens meurent, les reins éclatés après avoir reçu le “traitement 25”. »


 

La Strafkompagnie ( Compagnie disciplinaire ) : les déportés y affectés à portent en plus une croix jaune sur le dos de leur veste, ainsi que des points noirs ou rouges, au niveau du cœur, dans le dos et sur le pantalon, qui les signalent comme autant de cibles aux SS ou aux surveillants.


Le Revier ( hôpital ). Ses baraques sont de véritables mouroirs. Les détenus y sont regroupés selon leurs maladies. Certains sont sélectionnés pour subir des expériences médicales. Y être admis représentait un risque d’être envoyé à la chambre à gaz si l’on était jugé inapte au travail, ou d’être sélectionné pour des expériences pseudo-scientifiques. Il se pouvait également que les détenus soient raflés dans la file d’attente pour être admis au Revier, par les SS qui les envoyaient à la chambre à gaz.
 

Les détenus travaillaient des heures épuisantes, avec une alimentation, des vêtements et un logement inadéquats. La majorité travaillait pour les usines d'armement allemandes, mais il y avait aussi des missions agricoles, du bâtiment et du textile.


Sachsenhausen était aussi un grand centre de contrefaçon. Les détenus étaient utilisés pour reproduire la fausse monnaie américaine et britannique. On y produisit environ 15 millions de  fausses livres sterling utilisées pour contourner le blocus anti-nazi. C'était l'opération Bernhard.


 

Parmi les activités du camp, on trouve des ateliers chargés à découdre les vêtements et les chaussures des Juifs assassinés à Auschwitz et à Majdanek pour y découvrir d'éventuels trésors cachés. À partir de 1942 la force de travail des déportés est reconvertie à la production d'armement, notamment de grenades.


 

5.2. Malgré tout, la dignité sauvegardée des prisonniers.

 

La musique initiée par les prisonniers. Cela a commencé très tôt à Sachsenhausen. L'un des premiers événements musicaux a eu lieu la veille de Noël 1936 : un groupe de prisonniers communistes de Hambourg s'est réuni dans le camp pour chanter les chansons d'anciens groupes de jeunes de gauche.

 

Le succès fut tel que ces chants, ou  Schallerabende ,sont devenus des événements réguliers, s'étendant finalement pour inclure les prisonniers non allemands. Les prisonniers de Sachsenhausen ont emporté cette tradition avec eux dans d'autres camps.

 

Des musiciens individuels, comme  Aleksander Kulisiewicz  et  Jan Vala, donnaient souvent des représentations clandestines pendant leur temps libre le soir ou le week-end.


 

Il y avait des groupes choraux plus formels : plusieurs chœurs tchèques, un chœur polonais, plusieurs chœurs allemands, un chœur juif dirigé par Rosebery D'Arguto (alias  Martin Rosenberg ), ainsi que d'autres groupes de chant.
 

Un groupe de 1200 étudiants tchèques déportés à Sachsenhausen en 1939 était sans doute le plus actif. Au cours de leurs premiers jours au camp, ils passèrent du temps à chanter sous les encouragements d'antifascistes allemands plus âgés et plus expérimentés.


Deux groupes de chant importants ont émergé : un chœur formellement formé fondé et dirigé par František Marušan, et un groupe d'étudiants qui ont chanté des chansons politiques et satiriques, se faisant appeler les « Sing Sing Boys ». L’un d’eux témoigne par après :

« Aucun de nous n'avait étudié la musique. Nous étions liés par le même sort et l'amour commun de la musique et du chant… chaque jour nous comptions des centaines de morts. Nous étions gelés et affamés - pourtant les soirs nous chantions et faisions de la musique… nous ne voulions pas être des martyrs. Nous voulions survivre et mettre l'Allemagne fasciste à genoux, pour jouer un rôle dans tout cela. »


 

Mais restons réalistes. Malgré les nombreux événements musicaux qui ont eu lieu à Sachsenhausen, les représentations n'ont profité qu' à une minorité de prisonniers. La plupart des détenus se débattaient pour leur survie. Ils n'avaient aucun accès au monde musical de Sachsenhausen. Beaucoup étaient trop faibles ou malades pour assister à un concert.


 

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