Nadia MURAD. Son histoire dans le cadre de la Journée Internationale contre l'utilisation de la violence sexuelle dans les conflits.

Publié le 15 Juin 2021, 19:31pm

NADIA MURAD

Jeune rescapée yazidie

Réduite à l'état d'esclave par l'Etat Islamique ( Daech )

1. Qui est Nadia MURAD.

Nadia Murad Basee Taha est née en 1993 à Kocho, un village près de Sinjar en Irak, en territoire kurde. Nadia Murad, 28 ans, a connu le pire. Elle a été enlevée en 2014 comme des milliers d'autres femmes de sa région par le groupe Etat islamique (EI).

Les Yézidis font partie du peuple kurde ; ils ont été l’objet de plusieurs actes de persécution et faisaient partie des 180000 victimes du génocide de 1988 voulu par le régime irakien de Saddam Hussein. Pourtant, sa vie commence par des moments de tendresse, de bonheur, de vie simple et partagée, dans la pauvreté et la dureté du quotidien, mais surtout dans la richesse de l'esprit de sa famille.

Après l'arrivée de Daech dans son village, elle a dû assister, impuissante, aux meurtres de six de ses frères, tués par balles ou décapités. Sous ses yeux, dix-huit membres de sa famille ont été tués ou faits prisonniers.

Prix Nobel de la paix 2018, elle sillonne le monde pour plaider la cause des siens, de ses soeurs yézidies, réduites en esclavage sexuel par le groupe Etat islamique (EI). Un film lui est consacré "On her shoulders", car ce sont bien sur ses épaules que reposent les espoirs de tout un peuple.

Elle a été une des nombreuses victimes du génocide. Dignement, sans éclats, voulant rester debout, elle a entamé un combat pour que ce génocide soit reconnu et que les responsables soient, un jour, appelés à rendre compte de leurs actes.

2. L'attaque du village par Daech.

Début août 2014, les djihadistes de DAESH attaquent Sinjar, la plus grande ville yézidie d’Irak, alors tenue par les pershmergas du Gouvernement régional du Kurdistan. Les pershmergas se replient dans les montagnes, abandonnant les civils à la merci des djihadistes qui ne laissent d’autre choix aux Yézidis que de se convertir à l’islam pour avoir la vie sauve. Pendant douze jours, un mollah tente de convaincre les survivants de se convertir, en vain.

La plupart d’entre eux refusent. les hommes qui refusaient de se convertir à l’islam devaient rejoindre dans les fosses les femmes jugées trop vieilles pour servir. Parmi celles-ci, sa mère.

3. Nadia MURAD, esclave de Daech.

Pour les terroristes de l'Etat, les hommes devaient se convertir, les femmes et enfants étaient destinés à devenir les esclaves sexuels ou les enfants-soldats du groupe.

Elle est emmenée captive à Mossoul avec ses deux sœurs, ses cousines, ses nièces et les autres femmes et enfants du village. Pendant le trajet, elles sont sous la surveillance d'un combattant turkmène qui en profite pour pratiquer des attouchements sur les jeunes filles, notamment Nadia dont il s'amuse à pincer le sein gauche. Ses hurlements font arrêter le conducteur et, en punition, le Turkmène l'oblige à rester assise et à le regarder sans cligner des yeux jusqu'à la fin du voyage. Sur place, les prisonnières sont destinées aux combattants.

Elle a passé 11 mois aux mains de DAECH. Comme de nombreuses femmes yézidies, elle a été réduite en esclavage sexuel, avant de pouvoir s'échapper.

Pendant des mois, elle passe de propriétaire en propriétaire ( 13 au total) jusqu'au jour où son maître, un chauffeur de bus au service des djihadistes, la menace de la vendre sur un marché aux femmes et part lui acheter une abaya pour pouvoir la sortir dans Mossoul. Elle en profite pour quitter les lieux et courir dans les rues, frappant aux portes pour demander de l'aide.

4. Nadia MURAD, enfin libérée.

Elle trouve son salut grâce à une famille d’Irakiens sunnites qui parviennent à lui fournir des papiers islamiques. Fait remarquable car pour le musulmans les yézidis sont des impies. Une manifestation de l'héroïsme des hommes ordinaires face à la barbarie.

Elle parvient à rejoindre un camp de déplacés au Kurdistan, à l'Est de Mossoul.

L'épouse de Georges Clooney, avocate des droits humains, Amal Clooney, apprend son histoire et la prend sous son aile.

En septembre 2015, elle s'installe en Allemagne, où une organisation d’aide aux yézidis lui permet de retrouver sa sœur.

5. Nadia MURAD, porte-parole déterminée.

Dès lors, Nadia Murad, enfin libre, décide de se faire la porte-parole des souffrances des yézidis. Sa bête, son ennemi, c'est le groupe Etat islamique (EI). Mais au travers de ce combat, on peut aussi dire qu'elle mène le combat contre l'utilisation de la violence sexuelle en temps de conflits. Elle en est l'exemple vivant.

Le 16 septembre 2016, elle devient « ambassadrice de bonne volonté de l'ONU pour la dignité des victimes de la traite des êtres humains.

Sa détermination est aussi forte que sa voix est douce.
Elle martelle : " Si les décapitations, l’esclavage sexuel et le viol des enfants, si tout cela ne vous force pas à bouger, quand le ferez-vous ? Vous et vos familles ne sont pas les seuls à mériter de vivre. Nous méritons aussi de vivre".

Elle a reçu plusieurs distinctions :

En 2016, le Prix des Droits de l'Homme Vaclav Havel en 2016, décerné par l'Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe.
En octobre 2016, le Prix Sakharov décerné par le Parlement européen.
En 2018, le Prix Nobel de la Paix partagé avec Denis Mukwege, pour leurs efforts pour mettre fin à l'emploi des violences sexuelles en tant qu'arme de guerre.

Meurtrie par la disparition de tant des siens et par les humiliations qu’elle a subi, elle a décidé d'écrire un livre pour tout raconter pour tous les Yézidis, bien sûr, mais aussi pour toutes les autres femmes victimes de violences.

Aujourd’hui, elle n’a qu’un seul souhait : « Être la dernière fille au monde à avoir à raconter une histoire pareille. »

Son livre : « Pour que je sois le dernière », préfacé par Amal Clooney.

C'est une histoire d'horreurs, l'histoire de la guerre de Daech et du traitement ( génocide ) subi par les Yézidis. Mais c'est aussi une histoire d'espoir et de résilience. Des femmes sont parvenues à s'enfuir, des Irakiens ( musulmans ) ont fait preuve d'humanité, des survivants qui se sont donné pour objectif d'aider les autres, de témoigner, d'être des « passeurs de mémoire » qui travaillent pour que de telles atrocités ne se reproduisent plus.