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awans-memoire-et-vigilance.over-blog.com

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Site relatif au devoir de mémoire. Concerne la FNC, la FNAPG et la CNPPA pour AWANS, BIERSET. Concerne les combattants, les résistants, les prisonniers, la guerre, l'armistice, la libération. Reportages sur les commémorations, les Monuments aux Morts, la Fête Nationale. Discours 11 novembre, 21 juillet et autres.


NATZWEILER-STRUTHOF. Lieu de villégiature transformé en enfer nazi.

Publié le 20 Avril 2021, 18:51pm

Le camp de concentration de Natzweiler-Struthof.

Lieu de villégiature transformé en enfer.

 


 

1. Origine du nom.


 

L'installation au Struthof a été décidée par l'ingénieur SS Karl Blumberg et Albert SPEER, sur les hauteurs de la commune de Natzwiller, à 50 km au sud-ouest de Strasbourg. Le nom alsacien Natzwiller a été "allemandisé" en Natzweiler.


 

Le "Struthof" était une station touristique renommée depuis le début du XXe siècle, fréquentée par les Strasbourgeois. On y trouvait un hôtel et des pistes de ski. Struthof est à 800 mètres d'altitude, dans un paysage montagnard et forestier, dans la vallée de la Bruche. Lieu d'amusement bien loin de ce que les nazis en ont fait ! Un contraste avec l’absolue atrocité du lieu.

 

Le nom allemand du camp est KL Natzweiler-Struthof. 


 

2. Seul camp de concentration sur le territoire français.


 

Oui et non.


 

Oui, Natzwiller se trouve bien en France, dans la circonscription du Bas-Rhin. Il est bien le seul camp sur le territoire français actuel.


 

Non. Après l'Armistice du 22 juin 1940, l'Alsace et la Moselle furent annexées de fait par le IIIe Reich. Pour les nazis, le camp se trouvait bien sur le territoire annexé et non sur le territoire occupé.

Entrée du camp.
 

3. Pourquoi ce camp à cet endroit ?


 

Le camp est le centre d'une nébuleuse répartie des deux côtés du Rhin et composée d'un réseau de près de 70 camps annexes. Sur les 52000 déportés du KL-Natzweiler, environ 35000 ne passèrent jamais par le camp central.

Le choix découle de la doctrine SS. Les camps fonctionnaient au profit d'industries aux mains des SS.

Heinrich Himmler et Oswald Pohl, chef de l'Office central de l'Administration économique de la SS (WVHA), voulaient créer des camps à proximité des carrières afin d’y utiliser les déportés via la Deutsche Erd- und Steinwerke (DEST), entreprise minière SS créée en 1938 par Himmler.

Le site fut repéré par le Colonel SS Karl Blumberg, ingénieur-géologue à cause de son filon de granit rose. Ce granit devait servir à embellir les villes allemandes et à édifier des monuments et palais à la gloire du IIIe Reich.

Travail forcé à la carrière de granit rose.

4. Historique du camp de NATZWEILER.


 

En septembre 1940, le site a été choisi par le colonel SS BLUMBERG. Le camp est officiellement ouvert le 21 avril 1941.


 

Les 21 et 23 mai 1941, les premiers déportés arrivèrent de Sachsenhausen, Dachau et Buchenwald en deux convois. C'était en majorité des Allemands, déportés de droit commun, « asociaux » ou déserteurs de la Wehrmacht. Leur première tâche: effectuer les travaux de terrassement et d'aménagement du camp. Au départ, le camp était conçu pour accueillir environ 2000 détenus.

 

 

À la fin de l’année, 539 détenus y étaient inscrits. Natzweiler-Struthof était alors un « camp fermé » (geschlossenes Lager), c'est-à-dire qu'il ne pouvait recevoir d’autres détenus que ceux déjà internés ailleurs.


 

En septembre 1942, il devint un « camp d’affectation » (Einweisungslager) : les détenus pouvaient y être directement affectés. Les effectifs commencent à croître et un premier camp annexe est ouvert à Obernai le 15 décembre.


Le camp de base fut terminé en octobre 1943 et la zone déclarée interdite. Le système de sécurité était formé d'une double enceinte de fils de fer barbelés, dont une électrifiée à 380 volts, ainsi qu’une troisième enceinte de barbelés surveillée par des sentinelles.

 


 

 

Clôture de barbelés.

 

Il était pratiquement impossible de s’évader. Plusieurs tentatives ont échoué sauf celle du 4 août 1942 quand cinq détenus s’évadèrent. Un seul fut repris et pendu. Le camp ne fut connu officiellement à l'extérieur qu’à ce moment.

 


Mirador et gardien SS.

L'année 1943 fut particulièrement douloureuse.


 

En 1943, les détenus passent à 4089 venant de toute l’Europe. Les Polonais et les Soviétiques représentent 35 % de l’ensemble; les Allemands et assimilés ne sont plus que 22 %; la part des détenus d’Europe occidentale ( Français, Norvégiens, Néerlandais, Luxembourgeois... ) augmente. Les prisonniers politiques sont à ce moment largement majoritaires.


 

Il semble y avoir eu peu de Belges. On signale néanmoins Georges Bogaerts ( jeune chirurgien ) qui travaille à l'infirmerie. Il s'arrange pour nourrir les malades les plus mal en point. Ainsi que le résistant Albert Guérisse qui parvint par des subterfuges à signaler sa présence à Londres.


 

A partir de juin 1943,; le KL-Natzweiler reçut à partir de nombreux déportés "Nacht und Nebel", de toute l'Europe.


 

Une chambre à gaz fut construite entre le 3 et 12 août 1943 dans une dépendance de l'ancien hôtel Struthof. Elle fut utilisée du 11 au 19 août pour l'exécution de détenus juifs : 56 hommes et 30 femmes, expédiés d'Auschwitz. Leurs corps étaient destinés à la constitution d'une « collection » de squelettes pour le professeur August HIRT de l'université du Reich à Strasbourg. Il voulait prouver, dans le cadre d'études anthropologiques, la prétendue « infériorité raciale » juive.

Mémorial aux 86 Juifs.
 

1944 ne fut pas meilleure.


 

Au début de l'année, de nombreux prisonniers de guerre soviétiques y ont été transférés et transformés en travailleurs forcés.


 

A partir de mars 1944, les détenus furent assujettis à la construction d'usines souterraines destinées à la Luftwaffe.


 

À partir de 1944, les nazis accordèrent plus d'importance à la production d’armement. Ils utilisèrent les prisonniers comme main-d’œuvre forcée pour la fabrication d’armes et la construction d’ateliers de production souterrains.

 

 

En août 1944, au fur et à mesure de l'avance des troupes alliées, des détenus des prisons d'Épinal, de Nancy, de Belfort et de Rennes furent transférés au Struthof.


 

Le 31 août 1944, 2000 détenus ont été transférés vers le camp de Dachau. L'évacuation du camp s'est poursuivie au cours de septembre 1944. Les prisonniers furent soumis à des marches de la mort sur de longues distances et dans des conditions extrêmement brutales en direction du camp de Dachau.


 

Lorsque le camp de Natzweiler-Struthof a été libéré le 23 novembre 1944 par les troupes alliées, il était vide. Le KL Natzweiler-Struthof fut le premier camp de concentration nazi découvert par les forces alliées.


 

Après la Libération, il devint un lieu d'internement administratif où étaient détenues des personnes ayant collaboré avec les nazis, puis il a servi de lieu de détention pour des détenus de droit commun.


Photo aérienne en 1944.

5. Les détenus Nacht und Nebel (NN).

 

Leur régime était particulièrement cruel. Pour les distinguer des autres détenus, on leur donnait d'anciens vêtements civils sur lesquels étaient peintes en couleurs vives les lettres "NN", qui les désignait facilement à la brutalité des kapos et des SS. Les NN ne purent accéder à l’infirmerie qu’en septembre 1943.


 

À propos des déportés « Nacht und Nebel », un rescapé, le Docteur Goude, témoignera plus tard:

 « J'arrivai au camp du Struthof le 19 mai 1944 avec un groupe de sept intellectuels. À notre entrée nous fûmes tout de suite impressionnés par nos frères de misère. Leurs démarches d'automates, la fixité de leurs regards, leur aspect squelettique indescriptible et inégalé ailleurs. J'ai connu beaucoup de camps ..., nulle part je n'ai ressenti de pitié plus douloureuse qu'au Struthof. Ce qui nous intrigua dès l'abord, ce furent d'immenses lettres : N N barbouillées en rouge sur les vêtements… »
 
 

A la mi-année, les déportés NN furent astreints à la construction d'un bâtiment en béton semi-enterré, sous le nom de code Kartoffelkeller ( cave à pommes de terre ).


 

Le 3 juillet 1943, arrive le premier transport de déportés français NN, suivi de deux autres transports les 12 et 15 juillet 1943, soit au total 168 prisonniers. Seuls une trentaine d'entre eux ont survécu.


Le four crématoire.

 

6. Natzweiler, un centre d'expérimentations médicales.

 


 

Le camp est aussi connu pour les « expériences » pseudo-scientifiques pratiquées sur des détenus. Dans ce but, on avait aménagé une salle de dissection dans le cadre des travaux de la Reichsuniversität, à Strasbourg, et de l'administration SS de recherche sur l'Ahnenerbe (Héritage ancestral), créée en 1935 et rattachée à l'état major de Himmler.


 

D'éminents médecins et professeurs s'y déshonorèrent.


 

Le professeur Hirt


 

 August Hirt, professeur d'anatomie de renommée internationale, mena de nombreuses expérimentations sur le gaz moutarde et d'autres gaz mortels. Il avait pour objectif de constituer une collection de crânes de commissaires bolcheviks juifs pour l'Institut anatomique de Strasbourg avant que « la race juive » ne soit anéantie.


 

En novembre 1942, il inocula des doses mortelles sur un premier groupe de quinze personnes. Il testa un antidote sur dix, et laissa les cinq autres sans protection. Sept prisonniers en moururent. Pour obtenir un meilleur résultat statistique, il renouvela l’expérience sur 150 personnes dont près de quarante décédèrent. Tous les documents sur ses recherches furent brûlés avant la libération de Strasbourg.

 

Il mena des expériences sur l'ypérite: une goutte déposée sur le bras de détenus choisis et ils devenaient aveugles et mouraient dans d’atroces douleurs. Hirt s’empressait de disséquer les corps pour sa collection d’organes.

Table de dissection.
 

Le professeur Eugen Haagen.


 

Un autre médecin SS, le professeur Eugen Haagen, a pratiqué des injections de lèpre, peste et autres maladies sur des détenus pour étudier les effets de ces contaminations et tester divers traitements. L’expérience terminée, les sujets survivants étaient assassinés et incinérés.


 

 Afin de mener à bien ses expériences sur le typhus, Haagen se fit aussi remettre, fin 1943, environ 200 Roms arrivés d'Auschwitz. 150 d'entre eux sont immunisés contre le typhus exanthématique, les 50 restants étant réservés comme témoins. À l’ensemble des 200 cobayes est ensuite inoculé par scarification au bras le germe du typhus. Ces expériences donnèrent comme seul résultat l'apparition d'une épidémie de typhus dans le camp.


 

Haagen, virologue, avait pourtant découvert un vaccin contre le typhus qui lui avait valu d'être inscrit sur la liste des candidats au prix Nobel de médecine en 1936.

 

 

Le professeur Otto Bickenbach

 

 

C'était un professeur de médecine, spécialiste des gaz de combat. Il mena des expérimentations sur le gaz phosgène, un gaz dangereux qui cause des œdèmes pulmonaires souvent mortels.

 

La chambre à gaz était utilisée pour ces expériences pseudo-scientifiques. Elle n'avait pas un objectif d'extermination, des expérimentations médicales s'y déroulaient en lien avec la Reichsuniversität nazie de Strasbourg.

 

7. La population du camp.

 

Initialement prévu pour recevoir un total de 2000 prisonniers, le camp principal en compte environ 7000 fin août 1944 et plus de 20 000 dans les sous-camps.

 

 

Environ 52000 prisonniers y furent détenus de mai 1941 à mars 1945. On estime à 22000 le nombre de morts dans le camp, y compris son réseau de sous-camps, victimes des sévices: travail forcé, malnutrition, coups, morsures des chiens, blessures et maladies non soignées, expérimentations...

 

 

Du 1er janvier au 31 août 1944, 23199 arrivées sont enregistrées, et le KL reçoit désormais des convois de femmes. Natzweiler-Struthof devient avant tout un sas de passage et de tri avant une affectation dans un de ses camps annexes.

 

 

Le taux de mortalité place le Struthof à égalité avec Sachsenhausen et Bergen-Belsen. A partir de 1944, la mortalité augmente et en 1945 les arrivants n'ont alors que trois mois d'espérance de vie.


 

La musique était omniprésente dans cet enfer. Les nazis faisaient jouer les musiciens déportés pour accompagner les condamnés à mort à leur supplice. C'est au point qu'il a fallu parfois des dizaines d'années à des survivants pour pouvoir à nouveau écouter certains morceaux de Beethoven.

La potence.

Mémorial du camp.

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