DORA
aussi appelé DORA-MITTELBAU
«DORA, DORA, est-ce un chien ou un chat?
Est-ce un nom de fleur ou un nom de femme?
Dora, Dora, que c'oit que c'ça voudra,
quel plaisir on aura quand on quittera Dora.»
Tel était le refrain composé par le chansonnier Jean Maupoint. Dora, nom évocateur de tendresse et de sérénité. Qui connaît encore la vérité sur DORA ?
Qui sait encore que c'est le nom d'un haut lieu de crime contre l'humanité?
1. DORA.
DORA fut le camp de concentration le plus secret de l’Allemagne nazie. Installé au fond d'une mine, au cœur de l'Allemagne, il fut d'une importance stratégique majeure pour le Reich hitlérien. Là devaient être produits les missiles V2, sur lesquels Hitler comptait pour renverser le cours de la guerre.
Le camp de Dora-Mittelbau fut créé en Allemagne centrale, au sud du massif du Harz et au nord de la ville de Nordhausen.
DORA n'est pas un nom de lieu. DORA est un acronyme. DORA signifie « Deutsche Organisation Reichs Arbeit ».
DORA se trouve non loin de la ville de Nordhausen, au nord-ouest, dans le nord de la Thuringe, à 80 km de Buchenwald. La création du camp de DORA est décidée en août 1943, en même temps que celle d'une usine souterraine du même nom pour la fabrication de fusées.
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2. Pourquoi DORA ?
Le 28 août 1943, on ouvrit, à l'endroit décrit plus haut, un camp extérieur dépendant du camp de concentration de Buchenwald sous le nom de « DORA ». Le motif fut le bombardement du centre de recherche des fusées de Peenemünde sur la Baltique, les 17 et 18 août 1943.
Suite à ce bombardement, les dirigeants du Reich prirent la décision de déplacer sous terre l'assemblage des fusées. Sans tarder, fin août, le camp de DORA a été créé, et le réseau de tunnels aménagé pour la construction des V2= Vergeltungswaffe 2 (arme de représaille numéro 2 ).
Un vaste réseau de tunnels existait déjà dans l'anhydrite du Kohnstein. L'anhydrite est un sulfate de calcium naturel différent du gypse moins dense et plus tendre.
Il ne restait donc plus qu'à aménager ce réseau et le compléter. Ce fut le rôle attribué aux détenus du camp de Buchenwald. Ils durent l'aménager en une usine de fusées, dite Mittelwerk, "usine du centre ».
"Mittelwerk" était une entreprise d'Etat. Pendant que la production de fusées relevait du ministère de l'armement du Reich qui avait fondé la SARL Mittelwerk, la SS était responsable des immenses travaux de construction. "Mittelwerk" était aussi le nom de l’usine installée au cœur du tunnel.
« Mittelbau » est l'ensemble des installations aménagées autour de DORA, du nom de l’entreprise Mittelwerk.
3. DORA, camp ultra-secret.
Là, était exécuté le plus secret des programmes d’armement du Reich mis en oeuvre sous la responsabilité technique de Wernher von Braun: fabriquer en série des fusées V2, armes secrètes censées garantir un renversement de la situation militaire.
Depuis que le Reich se sent menacé, début 1943, le ministère de l'armement et la SS collaborent étroitement afin de mobiliser toute la main-d'œuvre disponible pour la « guerre totale ». Les détenus des camps de concentration et les travailleurs forcés doivent eux aussi être employés dans l'industrie d'armement.
"Mittelbau" était décrétée « Sperrgebiet Mittelbau », (« zone interdite Mittellbau »). Cette zone s'étendait au nord jusqu'à Göttingen, au sud jusqu'à Bad Langensalza et à l'est presque jusqu'à Eisleben.
DORA plus qu'un camp est une usine-camp souterraine où la machine du guerre la plus secrète nazie tourne à plein régime. Ordre d’Himmler: personne ne doit sortir vivant de DORA !
DORA est l'exemple typique du système concentrationnaire nazi. A DORA , on peut observer la symbiose la plus complète entre l'exploitation du travail concentrationnaire, l’industrie d’armement et l’élimination des opposants au Reich, dans le cadre de ce qu'on peut définir comme « l’État SS. ». Mais DORA n'est pas seulement un cas exemplaire de travail forcé mais aussi un exemple de l’intégration des camps de concentration dans la société allemande.
De très grandes sociétés industrielles (AEG, SIEMENS, VOLKSWAGEN, IG Farben...) soutinrent activement la production de guerre à DORA.
4. Evolution de DORA.
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Bagnards au travail à DORA.
Dora est le dernier des « grands camps » créés par le régime nazi.
D’août 1943 à mars 1944,c'est la période de la transformation du site souterrain en usine de montage ultramoderne où seront assemblés des V2.
Les travaux s’effectuent en catastrophe, dans un contexte d’urgence, d’improvisations, de violence. Les détenus doivent travailler avec des moyens matériels dérisoires. Ils vivent jour et nuit sous terre dans des conditions exécrables. La mortalité est considérable. Au cours de cette période, 2 882 cadavres furent expédiés vers le crématoire de Buchenwald et 3 000 détenus malades, éliminés lors de transports vers Maïdanek et Bergen-Belsen.
La production de fusées commence en janvier 1944 pour alimenter le polygone d’essai situé sur le camp SS de Blyzna, en Pologne.
A partir d’avril 1944, nouvelle étape: il ne s’agit plus d’aménager le site mais de fournir de la main d’oeuvre à la chaine d’assemblage. Un camp neuf est construit à proximité de l’entrée sud de l’usine souterraine. Les détenus y sont logés.
Juin 1944: les fusées qui sortent de la chaine de montage sont opérationnelles.
Dès septembre 1944, elles sont utilisées dans les attaques menées contre Londres. L’alimentation et les conditions d’hygiène s’améliorent un peu. Mais, en fait, la violence qui recule se focalise sur les nouveaux camps aménagés autour de DORA.
DORA devint un camp autonome à partir du 28 octobre 1944. Il hérite du nom de Mittelbau avec 32471 prisonniers issus de nombreuses nationalités.
Dès ce moment, DORA contrôle les camps annexes d’Ellrich et d’Harzungen et tout un ensemble de kommandos. La situation se dégrade à nouveau. Autour du site propre de DORA, on comptait une trentaine de kommandos.
Le réseau de camps et d'installations souterraines fut en permanence renforcé, y compris dans les dernières semaines de la guerre. La fabrication de V2 ne s’arrêta que le 31 mars 1945.
5. DORA et les tentatives de résistance.
Dans le premier groupe de prisonniers envoyés à DORA venant de Buchenwald, il y en avait plusieurs qui y avaient été actifs dans l'organisation clandestine. Avec d'autres groupes de prisonniers de diverses nationalités, ils ont formé un réseau alors que DORA était encore en construction, afin de saboter les travaux et de les ralentir.
Lorsque la production a commencé en 1944, des opérations de sabotage ont été exécutées bouleversant le calendrier de livraison des armes dont les nazis avaient désespérément besoin. La réalité des tentatives de sabotage, se situe assez loin de l'image héroïque qu'on en a donné l'extérieur. Il y eut quand même +/- 200 pendus pour sabotage.
On ne dispose que de peu de récits circonstanciés de sabotages menés à bien. A quoi se ramenaient-ils ? Exploiter certaines négligences de civils allemands pour aggraver un désordre administratif existant; faire du zèle dans les contrôles de matériel venant de l'extérieur, des manipulations délibérément maladroites facilitant l'accroissement des rejets; faire de légères malfaçons aux conséquences sérieuses ( mauvaises soudures par exemple ).
6. DORA, camp mouroir.
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Jusqu’au début de 1944, les prisonniers n’ont ni baraquement, ni installation sanitaire. Ils sont enfermés dans les galeries souterraines servant de dortoirs, avec des châlits à quatre niveaux. La faim, la soif, le froid et le travail (de 12 à 14 heures par jour) sont responsables des souffrances et de la mort des détenus. On relevait, en moyenne, 80 % d'humidité dans les galeries souterraines et une température de 8 degrés Celsius.
Soixante mille hommes de toutes les nationalités connurent l’enfer de DORA pendant ses vingt mois d’existence. Vingt mille en moururent. En moyenne mille cinq cents hommes trouvaient la mort chaque mois à DORA.
Deux fois par semaine, les cadavres étaient expédiés par camions vers le crématoire de Buchenwald, jusqu’à ce qu'un crématoire fut construit en septembre 1944.
Les effectifs du camp s’élevaient à 26 000 en novembre 1944 et à près de 40 000 en mars 1945 car une partie des convois d’évacuation des camps de l’Est aboutit ici. Pour “vider” le camp et ses annexes, un véritable mouroir est mis en place dans une caserne désaffectée située à la périphérie de Nordhausen.
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Le Four crématoire de DORA.
À DORA, au printemps 1945, le four crématoire ne suffit plus et les corps sont brûlés sur d’immenses bûchers.
Dans les semaines précédant la libération, les SS redoublent de violence et assassinent plusieurs centaines de détenus.
Devant l'avance des troupes alliées, les SS évacuent le camp les 4 et 5 avril vers Bergen-Belsen et Ravensbruck. Des marches de la mort qui vont faire des milliers de nouvelles victimes. On applique au moins partiellement l'ordre d'Himmler qu'aucun détenu ne peut tomber vivant aux mains des
Les détenus sont mis en route dans ce but: venant de DORA ou de ses kommandos avec différents points de chute finaux: de Bergen-Belsen et Sachsenhausen ou Gardelegen.
7. La Libération.
La plupart des camps de Mittelbau sont entièrement vidés. La SS abandonne dans le camp de DORA et dans la caserne Boelcke quelques centaines de malades et de mourants, qui sont libérés le 11 avril 1945 par la 3e division blindée américaine .
On ne peut pas à proprement parler de " libération " pour DORA.
Au moment où les Américains sont arrivés sur place, les détenus valides avaient été évacués (Marches de la Mort) et il ne restait que les grands malades et les survivants du bombardement de la Boelcke Kaserne à Nordhausen.
Le 11 avril, les soldats découvrent DORA, l’usine souterraine, et un véritable mouroir dans la caserne Bœlcke. Les images tournées dans cette caserne ont été parmi les premières montrant au public occidental l’horreur des camps nazis.
Les américains sont stupéfaits lorsqu'ils découvrent des internés décharnés, d'une incroyable maigreur, se traînant littéralement puisqu'ils étaient restés abandonnés 6 jours presque sans manger.
Le rapatriement des derniers détenus est assuré par avion depuis le terrain de Nordhausen remis en état. Des Dakotas qui approvisionnent les Américains repartent avec des déportés, des prisonniers de guerre, des travailleurs civils. Les derniers départs de malades eurent lieu le 7 mai 1945.
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Spectacle lors de la Libération du camp.
Mais certains sont rentrés beaucoup plus tard.
En général, les Belges détenus à Dora-Mittelbau étaient généralement des hommes jeunes entre 20 et 40 ans. L'âge fut certainement un critère de sélection car dont les besoins en main d'œuvre étaient énormes. Pour les Belges, le taux de mortalité fut plus élevé que la moyenne (55 %).
Sous la contrainte, 400 civils des environs de Nordhausen fut amenés au camp où ils durent aider à l'évacuation des corps. Les rares survivants reçurent immédiatement les soins appropriés mais en dépit des efforts des américains, de nombreux déportés moururent encore dans heures et le jours qui suivirent le libération du camp.
Après 1945 : des experts américains, britanniques et par la suite soviétiques, mettent à l’abri les documents conservés dans l’usine Mittelwerk ainsi que les pièces des fusées V2. L’élite des ingénieurs allemands ( membres du parti nazi ) spécialistes des fusées, autour de Wernher von Braun, entre au service des Américains. Les Soviétiques s’octroient les second rôles.
Cette "élite" qui avait supervisé la production des V1 et V2 dans l'usine souterraine de DORA, était restée complètement indifférente devant le sort horrible des prisoniers contraints au travail forcé.
Von Braun n'a jamais admis sa responsabilité dans son livre autobiographique, minimisant sa position dans le camp et ne reconnaissant pas les crimes commis sous ses yeux.
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Restes d'un V2
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Ce qui reste d'un tunnel.