Andrée DUMON.
/image%2F2782635%2F20210331%2Fob_13610c_andree-dumon.jpg)
En mai 1940, la jeune Andrée DUMON a choisi son camp. Choix qui la conduira à la résistance, à la prison puis dans les camps de concentration.
1. Andrée DUMON jeune, et prédestinée.
Andrée DUMON est née le 5 septembre 1922 à Bruxelles. Jusqu'en 1928 la famille réside au Congo. Eugène DUMON, son père, était médecin colonial. La maman s’occupe de l'instruction à domicile de ses enfants. En 1928, la famille rentre en Belgique.
Son père fut l’un des plus jeunes volontaires de l’Armée belge lors de la Première Guerre mondiale qu’il fit dans l’Est africain.
Après l’école primaire, elle entre à l’Athénée Royal d’Uccle. En 1939, âgée de 17 ans, elle n’admet pas que la Belgique maintienne sa neutralité, pas plus qu'elle n’admettra la capitulation du 28 mai 1940.
2. La famille DUMON dans la Résistance.
La famille DUMON, poussée par un intense sentiment patriotique, voulait absolument s’investir contre l’occupant.
Toute la famille s’implique au sein de la Croix Rouge de Belgique. Ils sont ainsi informés que des aviateurs alliés se cachent sur le territoire belge.
Le père s’engage dans le Réseau d’espionnage Luc-Marc dont il fut l’un des dirigeants. Le service Luc-Marc, qui compta environ 5000 agents, a changé de nom au cours de la guerre. Luc deviendra Marc en mai 1942 suite à la capture d’un courrier et des documents qu’il transportait. Les activités de ce service se déclinaient en trois points: renseignements, sabotage et aide à l’évasion. Le réseau devint le plus important des services de renseignements belges.
Quant à Andrée DUMON, entrer dans la Résistance est, plus qu’un simple choix, un devoir. C’est ce qu’elle explique bien plus tard :
« On tenait très fort à la liberté dans ma famille. Lorsque que j’étais à l’athénée d’Uccle dans les années trente, on parlait encore des ‘Boches’ alors que je pensais, peut-être naïvement, qu’il fallait être tous frères. Mais mon attitude a changé lorsque les Nazis ont envahi en 1939 la Pologne. Cela a entraîné la déclaration de guerre des Français et des Anglais aux Allemands, suivie de la ‘drôle de Guerre’, puis de l’invasion des Pays-Bas, du Luxembourg, de la Belgique et de la France en mai 1940. Je me souviens très bien de l’annonce faite à la radio par Théo Fleischman annonçant l’agression dont était victime notre pays ponctuée par des centaines d’avions qui virevoltaient dans un ciel azur. »
Dans sa fougue juvénile, elle commence par des actes très symboliques : découper dans les journaux des lettres V qu’elle éparpille dans le quartier proche de l’avenue Franklin Roosevelt à Bruxelles ou qu‘elle placarde sur les murs. Ou encore en entonnant à tue-tête des chants patriotiques. Elle a aussi distribué la Libre Belgique clandestine.
C’était là des actes de jeunesse. Elle commença effectivement son action dans la résistance comme courrier pour son père. Elle accomplit ainsi plusieurs missions, d'abord à Bruxelles, ensuite à Tronchiennes, à Bruges.
En octobre 1940, Marie, sa mère, connue dans la Résistance sous le pseudonyme de Françoise, rencontra Frédéric De Jongh, dont la fille Andrée de Jongh était à l'origine de la ligne d'évasion Comète.
Ce dernier proposa à Andrée DUMON de travailler pour ce réseau. Ce qu’elle accepta sans hésiter, avec enthousiasme. Elle prit le pseudonyme de Nadine pour éviter toute confusion avec Andrée De Jongh.
Elle commença par transporter des fonds qu’elle allait chercher chez un assureur à Bruxelles, et effectua ensuite sa première mission en accompagnant deux soldats qui avaient rejoint la Belgique dissimulés sous un tas de charbon.
Plus tard, elle raconte avec émotion sa rencontre avec Andrée De Jongh:
« Je l’ai rencontrée pour la première fois à Valenciennes à son retour de Paris. C’était une femme très élégante et la sympathie fut immédiatement réciproque tant et si bien qu’elle me proposa de l’accompagner lors d’un de ses prochains convoyages. Mais elle ne put tenir sa promesse car elle fut entre-temps arrêtée. »
En décembre 1941, elle conduisit pour la première fois un pilote allié, Albert Day, de Bruxelles à Valenciennes chez un contact, Charles Morelle, qui devait le conduire à Paris.
Bien vite, Nadine conduisit elle-même ses protégés jusqu'à Paris. Plusieurs dizaines de pilotes alliés, des Anglais, des Canadiens, des Australiens et même un Américain, bénéficièrent de ses services et purent traverser la Belgique et la zone française occupée. À Paris, ils étaient pris en charge par d'autres passeurs du réseau Comète qui les acheminaient en Espagne par les Pyrénées.
Missions extrêmement dangereuses. Il fallait toujours faire preuve de prudence. Il était interdit aux évadés-évacués de parler dans le train. Si on leur adressait la parole, Nadine répondait à leur place disant qu’ils étaient trop fatigués pour parler. Les voyages se déroulaient toujours en troisième classe, qu’elle croyait moins surveillée.
/image%2F2782635%2F20210331%2Fob_c88aeb_500px-the-routes-used-by-escape-lines.jpg)
Les filières d'évasion du Réseau Comète
3. L’arrestation de la famille.
Le 11 août 1942, la famille est dénoncée par un traître qui a infiltré le réseau et communiqué le nom de ses membres aux Allemands.
La police allemande débarque au petit matin. Ils se trompent de maison et tambourinent à la porte des grands-parents. Le grand-père parvient à crier par la porte de communication entre les deux habitations: "Police allemande!". La maison est cernée, ils sont interceptés et arrêtés.
Marie est conduite à la Prison de Saint-Gilles, elle ne sera interrogée que bien plus tard. Elle fut libérée après une année de prison.
Eugène et Andrée sont conduits séparément à la Geheime Feldpolizei, rue de la Traversière à Bruxelles.
Andrée fut interrogée à plusieurs reprises, jusqu’à fin septembre 1942. Elle fut confrontée au traître qui avait vendu la famille et qui déballa tout ce qu’il savait. Elle explique plus tard cette confrontation:
« J’ai été trahie par un homme de mon réseau dont le fils avait été arrêté. Avait-on exercé sur lui une forme de chantage? En tout cas, il n’avait pas été torturé et j’ai beaucoup souffert de le revoir après la guerre lorsqu’il fut jugé par un tribunal. »
Seule sa sœur Aline, étant absente, a échappé à l'arrestation. Elle deviendra plus tard agent de Comète, sous le pseudonyme de "Michou".
4. Son séjour dans les camps.
Fin septembre 1942, elle fut incarcérée à la Prison de Saint-Gilles (où elle fêta ses 20 ans). Elle y séjourna un an avant de disparaître des registres comme Nacht und Nebel.
Andrée DUMON fut déportée dans plusieurs camps, dont une forteresse en Pologne, d’où elle tenta de s’évader. L'évasion ne durera pas plus de deux heures. Elle est ensuite conduite à Ravensbrück.
En mars 1944, elle est transférée à Mauthausen. Le trajet de Ravensbrück à Mauthausen dura quatre jours sans boire ni manger, dans des conditions d'hygiène exécrables. Elle souffre d'une double otite purulente.
À l'arrivée, elle est tellement faible que lorsqu'elle saute du fourgon à bestiaux, ses jambes se dérobent, ses articulations cèdent. Elle s'effondre au sol n'ignorant pas que les Allemands l’abattront si elle n’arrive pas à se relever. Elle parvint à se remettre debout pour rejoindre à pied le camp de Mauthausen, aidée par deux compagnes.
Arrivées au camp, elles durent encore patienter plusieurs heures debout dans la neige. Puis ce fut le passage à la douche. Nadine reçut comme vêtement une chemise pour homme trop grande et dépourvue de bouton. Un gardien peignit sur le devant et dans le dos un K à la peinture rouge pour Krank: malade. Avec l'aide d'un soldat français qui l'informe que cette lettre la condamne à très brève échéance, elle arriva à l'effacer presque complètement. Très vite, elle est envoyée à la carrière.
Pourtant, la jeune femme reste forte et garde le moral, presque sans jamais faillir, jusqu’au bout.
5. La Libération.
Une antenne de la Croix-Rouge canadienne la libère, le 22 avril 1945, deux ans et demi après son arrestation. Elle regagne la Belgique par un long périple via Saint-Gall et Annecy où elle prend un train vers Bruxelles. Elle revint, le 1er mai 1945. Sa maman et madame de Jongh l'attendaient à la gare.
L’accueil désastreux réservé aux déportés lors de leur retour à la Gare du Nord la marqua jusqu’à la fin de sa vie. Les malheureux étaient examinés à la vue de tout le monde, en file indienne devant quatre médecins, sans même une chaise pour s’asseoir !
Extrêmement affaiblie, elle souffre d'un typhus exanthématique qui sera suivi d'une paratyphoïde. Il lui faudra réapprendre à marcher correctement. Cela lui prit deux ans.
Comme de nombreux déportés, elle ne témoignera pas pendant de nombreuses années. Vers l'âge de 70 ans, elle commença cependant à raconter son histoire auprès des jeunes, accomplissant par là un devoir de mémoire.
En juin 2018, elle publia ses mémoires qu’elle avait écrits au printemps 2013 sous le titre : "Je ne vous ai pas oubliés ».
/image%2F2782635%2F20210331%2Fob_a01ff6_mv5bmmnlmzg0odmtmwflzi00ytbllthindytnz.jpg)
A la question « Qui est le Vous dans le titre ?»
Elle répond :« Ce sont tout simplement mes compagnons de lutte. Et si j’avais un message à faire passer aux jeunes générations, je les inviterais à découvrir tout ce que leurs aînés ont fait pour la défense de notre liberté dans l’espoir qu’ils feraient la même chose si elle était à nouveau menacée. »
/image%2F2782635%2F20210331%2Fob_c76db1_dumon-je-ne-vous-ai-pas-oublies.jpg)