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awans-memoire-et-vigilance.over-blog.com

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Site relatif au devoir de mémoire. Concerne la FNC, la FNAPG et la CNPPA pour AWANS, BIERSET. Concerne les combattants, les résistants, les prisonniers, la guerre, l'armistice, la libération. Reportages sur les commémorations, les Monuments aux Morts, la Fête Nationale. Discours 11 novembre, 21 juillet et autres.


Essai sur "La Banalisation du Mal"

Publié le 24 Août 2020, 17:30pm

La banalisation du mal.


 

Lors du procès Eichmann à Jérusalem, la philosophe Hannah Arendt théorisait le concept de la banalité du mal, ou quand des crimes monstrueux sont commis par des petits fonctionnaires tatillons perdant toute conscience de la monstruosité de leurs actes. Ce qui ne les rendait pas moins responsables aux yeux de la philosophe. La monstruosité ne résidait pas dans l’extraordinaire mais bien dans la pratique routinière de criminels sans comparaison dans l’Histoire.

Ne serions-nous pas en train de vivre, si on n’y prend garde, une banalisation du mal ? Ne sommes-nous pas en train d’assister à la banalisation de la Shoah et des crimes du 3ème Reich ? Paradoxal, alors que l’on insiste partout sur l’importance du devoir de mémoire, de la commémoration, du souvenir. Assez paradoxal, oui. Et terriblement inquiétant.


 

« Je twisterais les mots s'il fallait les twister »


 

La Shoah et les crimes commis par le 3ème Reich ne peuvent pas être traités comme n’importe quel autre événement. Cette conception fait débat depuis déjà plusieurs décennies. L’immense Jean Ferrat, lui-même, en avait conscience lorsque, dans sa chanson « Ils étaient 20 et 100 », il écrivait :

« On me dit à présent que ces mots n'ont plus cours. Qu'il vaut mieux ne chanter que des chansons d'amour. […] Je twisterais les mots s'il fallait les twister. Pour qu'un jour les enfants sachent qui vous étiez. »

L’auteur pressentait un des reproches qui allait lui être fait, banaliser cet événement en en faisant une chanson. Peut-on diffuser cette chanson à la radio ? Place-t-on des pubs après ? Que programme-t-on avant et après ? La même polémique surgit lors de la sortie de « La liste de Schindler » de Spielberg. Ne banalise-t-on pas ces événements en les traitant dans des œuvres qui sont des produits culturels comme les autres films ou chansons, peu importe l’intention louable de l’auteur ?

Quoi qu’il en soit, il n’en reste pas moins que ces œuvres constituent de vibrants témoignages pour les jeunes générations. Par ailleurs, ce débat, certes pertinent, paraît bien futile par rapport à la banalisation outrancière de certains programmes télé.


 

Pollution audiovisuelle


 

« Hunting Hitler », « Nazi megastructures », « Hitler et les nazis », et j’en passe, pullulent sur nos chaînes thématiques au côté d’autres émissions tendant une formidable caisse de résonance aux théories complotistes délirantes. Durant plusieurs mois, je me suis forcé à regarder et analyser ces programmes. Au départ de cette démarche, la fascination d’une jeune fille pour Hitler, fascination qui me glaça. Elle n’était ni raciste, ni antisémite. N’avait d’ailleurs aucune haine. « Mais Hitler, tout ce qu’il a réussi à faire en partant de si peu » me confia-t-elle avec de beaux yeux brillants de midinette. Glaçant ! Stupéfait, je décidai de discuter avec elle plutôt que de m’emporter. Je voulais, devais, comprendre.

Très vite, je perçus le vide abyssal de ses connaissances. Elle ne niait pas les crimes qu’elle trouvait odieux. D’où venait donc cette fascination sidérante ? Je découvris alors l’existence de ces émissions que son père regardait, passionné d’histoire, sans les outils de la critique historique dans ses bagages intellectuels. Sans aucun doute, un brave homme.

Ces mois d’efforts à « me graisser les yeux » à ces programmes me laissèrent un arrière-goût amer dans la bouche. La figure de Hitler apparaît sans cesse au travers d’archives ou d’interprétations, à en donner la nausée.

L’émission « Hunting Hitler » atteint des sommets, le principe de l’émission est le suivant, Hitler n’est pas mort, il ne s’est pas suicidé, il a quitté son bunker pour fuir vers l’Amérique du Sud et créer un quatrième Reich. Le postulat de départ est le suivant : Hitler a quasi conquis le monde, impensable qu’un tel génie ait fini de cette façon, il avait forcément prévu une échappatoire. Une équipe de « chercheurs » et « journalistes » se lance dans une vaste enquête qui singe la démarche scientifique. Risible pour quelqu’un capable d’exercer son esprit critique. Mais pour d’autres ?

L’autre postulat de cette émission est que l’histoire est toujours écrite par les vainqueurs. On voit vite comment une telle optique ouvre la porte à tous les révisionnismes…


 

Agir en lanceurs d’alerte.


 

Le moment est venu d’agir contre ces programmes, de ne surtout pas sous-estimer leur dangerosité. Ce devrait être l’une des missions de tous ceux qui se veulent passeurs de mémoire. Pratiquer le devoir de mémoire, oui, mais veiller aussi à ne pas laisser les atrocités du 3ème Reich devenir un événement historique banal.

Alerter les médias, par exemple, lorsque l’on voit, dans une foire d’antiquaires, des objets nostalgiques du 3ème Reich être vendus et échangés au même titre que des objets ayant appartenu aux forces alliées. Après le reportage télé, une réflexion fut menée et un règlement adopté par les organisateurs.

Réjouissons-nous encore de notre récente victoire avec la fermeture des chaînes Youtube et comptes Facebook de sinistres personnages haineux, auteurs de publications nauséabondes. Inutile de leur faire l’honneur de les citer ici. Le combat finit par payer.

Soyons vigilants car ces programmes télé formatent de nombreux esprits devenant réceptifs aux théories complotistes et extrémistes.


 

Olivier Beaujean

Professeur à l’Athénée Royal de Marche-Bomal


 

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