Huit mai 1945:
La Libération des camps, il y a 75 ans !

Huit mai 1945, la guerre qui dure depuis 1939 connaît enfin son épilogue. Signée en deux temps, la capitulation sans condition du III° Reich a mis fin à un conflit qui fit plus de 36 millions de morts en Europe...et 60 millions dans le monde !
Ce jour mêle joies et douleurs.
La joie: c'est la libération définitive des camps ; on attend avec impatience le retour des prisonniers et des déportés civils; on n'a plus rien à craindre d'un sursaut nazi ( comme l'offensive des Ardennes et la pluie des V1 et V2 ) ; les collabos sont définitivement hors-jeu...
Mais aussi les douleurs : on fait le compte des dégâts ; on apprendra bientôt que l'un ou l'autre proche ne reviendra jamais...et on apprendra les horreurs !
70000 prisonniers de guerre, dont 65000 francophones, se trouvaient toujours en Allemagne en 1945. Parmi eux, un sur quatre était invalide; un sur cinq, tuberculeux. En outre, le retour ne fut pas sans amertume : nombreux d'entre eux ne retrouvèrent pas de travail. Les affaires de ceux qui étaient indépendants ou commerçants avaient été délaissées et s'étaient irrémédiablement effondrées. Des épouses avaient dû vivre avec 10 F par jour, versés par l'Assistance publique. Des drames sentimentaux avaient surgi de la séparation des couples. L'éloignement, dû aux cinq années de captivité, entraîna des désordres qui ruinèrent de nombreux ménages. On en estime à 5000 le nombre de divorces.
L'isolement, l'éloignement des familles et de la société, la constatation déprimante d'avoir perdu, derrière des barbelés, les plus belles années de leur vie alors que d'autres plus chanceux avaient continué leur carrière et parfois leur enrichissement nourrissaient un sentiment de frustration et de rancoeurs.

Sur un total de 40500 prisonniers politiques reconnus, 16000 avaient été envoyés dans des camps de concentration en Allemagne. Où 6 à 7000 d’entre eux périrent. La libération des camps et la découverte des atrocités nazies ont provoqué une onde de choc dans toute l’Europe.

Selon des statistiques croisées ( belges, allemandes et de la Croix-Rouge ), 189542 Belges furent requis, du 1er novembre 1942 au 31 juillet 1944, pour le travail obligatoire en Allemagne. Au procès de Nuremberg, le chiffre de 220.000 fut avancé. Eux aussi furent, comme les prisonniers, victimes de l'immense entreprise esclavagiste des nazis. Mais, dans la mémoire collective, leur pénible aventure fut trop négligée. Selon un calcul arrêté en juillet 1944, 3200 déportés civils moururent en Allemagne. Septante pour cent d'entre eux y furent victimes des bombardements.
Le sort des déportés civils fut souvent estompé. Les nazis avait pyramide des souffrances qui avait ses paliers. Dès lors qu'Auschwitz en occupait le sommet, une ombre s'étendait, par comparaison, sur les épreuves subies par les prisonniers de guerre et les déportés du travail et jusqu'aux prisonniers politiques qui n'avaient pas tous connu les camps de concentration allemands.
Plus de 25274 juifs et 354 Roms et Tziganes furent déportés depuis la caserne Dossin à Malines vers les camps. Seulement 1395 d’entre eux survécurent. Mais ils furent victimes d'une injustice qui a mis longtemps avant d'être réparée. Pour la Presse, ce sont essentiellement les images des camps de concentration qui furent reprises en témoignage de l’horreur de l’univers concentrationnaire. La plupart des journaux belges ne font pas état de la libération d’Auschwitz le 27 janvier 1945. De plus, le sort spécifique fait aux Juifs ne fut pas, alors, reconnu. Comme symboles de la déportation, priorité est donnée aux camps de concentration. A l'inverse, la singularité des camps d’extermination est omise. Ainsi, en 1945, le génocide juif vient au second rang dans les médias belges. À leur retour de déportation, les Juifs rescapés sont démunis et isolés : ils n’ont plus de famille pour les accueillir, plus de logement ni de biens personnels ni de travail. Leur état physique et psychique est catastrophique. Or, les autorités belges ne prennent aucunement conscience de la nécessité de mesures spécifiques à leur égard.

Minorité parmi la minorité, les tziganes rescapés furent encore plus mal lotis. Le 8 mai 1945, il restait seulement trente-deux survivants, dont cinq enfants de moins de 15 ans. L’accueil au retour des camps, tant de la part de la population que de celle des services chargés de leur venir en aide, ne fut pas à la hauteur des sévices subis. Les déportés tziganes furent moins honorés que tous les autres, sinon pas honorés du tout ! Ils n’intéressaient pas grand monde. D'ailleurs, après la guerre, la législation restrictive les concernant avait toujours cours. Délaissés, les Tziganes ont replongé dans la mise à l’écart et la stigmatisation. Et aussi, comment se faire dédommager pour la spoliation d'une roulotte ?
En outre,contrairement aux autres déportés ( PG, politiques, juifs...), les tziganes ne disposaient d'aucun intellectuel brillant pour les représenter.
