Anciens Combattants:
L’éruption de colère du 29 juillet 1920.

1.Ambiance générale après l’Armistice.
L’Armistice transforme 320000 belges, anciens combattants, en « vétérans ». Ils sont quelque 320000 sur 360000 mobilisés sortis vivants des quatre années de tranchées. Pour la première fois depuis l’Indépendance, la Belgiqueétait confrontée à un tel phénomène de masse auquel il fallait, sans trop tarder, réserver une place dans la société pacifiée
Ils affichèrent leur présence dans la rue. Ils s'y déployèrent 1412 fois pendant 21 ans, jusqu’au 31 décembre 1939. Soit, en moyenne, 1,3 sortie par semaine. Pas toujours pour protester ni revendiquer : côté de 903 commémorations à caractère patriotique et inaugurations de monuments on note 253 réunions et meetings ainsi que 193 manifestations. Les « simples réunions » étaient malgré tout des moyens de montrer leur présence et leur force.
La plupart de ces 320000 anciens n'imaginent pas refermer la parenthèse de douloureuse expérience du front comme si de rien n'était, Ils étaient convaincus de leur droit de parler haut et fort, de revendiquer, de jouer un rôle en vue dans la Belgique pacifiée.
Les vétérans ne peuvent admettre avoir perdu des années perdues au front et que, pendant ce temps, d’autres aient mis ces années à profit. Ils prennent pour cibles ceux qui se sont acoquinés avec l'occupant: les profiteurs de guerre, les embusqués de tout poil, les élites politiques restées planquées dans leurs bureaux et qui osent à présent leur refuser des droits ou leur contester des dédommagements moraux et matériels pour réparer le sacrifice d'une jeunesse.
A Bruxelles, en vingt ans, on relève 39 actions émaillées de bagarres et d'accrochages violents. Engagés dans la lutte contre la vie chère, il leur arrive ainsi de descendre sur les marchés, par groupes, équipés de triques, pour forcer les commerçants à baisser leur prix !
2. L’éruption de colère du 29 juillet 1920 : l’envahissement du Parlement.
Le 29 juillet 1920, une manifestation d’anciens combattants parviennent à investir le Parlement, gagnant la séance plénière où les députés planchent sur un projet de pension de guerre. Des drapeaux sont agités, des slogans subversifs scandés, le ton se fait menaçant, des coups se perdent.
Les associations désapprouvent l'action, non sans accuser le pouvoir d'avoir poussé à bout les anciens combattants, lesquels décrocheront au passage 75 francs d'allocation par mois passé au front.
Les Parlementaires s’en tirent avec une grosse frayeur et la désagréable impression qu'on vient de porter gravement atteinte à leur dignité.
Plus anecdotique: de ce coup de force, naquit l’initiative d’ériger une grille de fer ceinturant, depuis, la cour avant du Parlement. La sécurisation des lieux s'achèvera par un statut légal conféré à la zone neutre en 1954.
Les Parlementaires eurent encore à subir un autre événement, plus tragique. Le 8 décembre, c'est un ancien prisonnier de guerre au bord du désespoir qui fait feu en fin de séance plénière. Plus de peur que de mal, l'une des trois balles tirées perfore néanmoins le pupitre d'un député.
3. Initiatives politiques.
La FNC préfèra toujours garder ses distances à l'égard des partis. Elle se tint à l'écart de l'arène politique.
On note des associations d’anciens combattants plus directement engagés avec des partis politiques : les Anciens Combattants Socialistes et les Cercles de Combattants catholiques.
Quelques rares formations de vétérans tentèrent de se présenter aux législatives et aux communales. Elles se casseront les dents. Lors du premier scrutin d'après-guerre, en novembre 1919, un parti des combattants recueille 19075 voix à Bruxelles et décroche malgré tout deux élus à la Chambre. Au printemps 1939, un autre parti des combattants obtint 10630 voix à Bruxelles et un seul député.
En revanche, un parti flamingant frontiste radicalement antibelge, forgé autour de la cause des soldats flamands de 14-18, totalisera jusqu'à onze sièges en 1929.