« Une poupée à Auschwitz ».
Ce poème racontant l'histoire déchirante et insoutenable d’une gamine dans les bras de sa Mère que les nazis poussèrent dans la chambre à gaz avec sa poupée dans les bras, sa poupée avec ses tresses blondes et ses grands yeux bleus comme la gamine, sa poupée qui, quelques instants plus tard, se retrouva seule.................sur un tas de cendres.
Une poupée à Auschwitz,
Moshe Schulstein,
1944

Sur un tas de cendre humaine une poupée est assise
C'est l'unique reliquat, l'unique trace de vie
Toute seule elle est assise, orpheline de l'enfant
Qui l'aima de toute son âme. Elle est assise
Comme autrefois elle l'était parmi ses jouets
auprès du lit de l'enfant sur une petite table
Elle reste assise ainsi, sa crinoline défaite,
Avec ses grands yeux comme en ont toutes les poupées du monde
Qui du haut du tas de cendre ont un regard étonné
Et regarde comme font toutes le poupés du monde
Pourtant tout est différent, leur étonnement diffère
De celui qu’ont dans les yeux toutes les poupées du monde
Un étrange étonnement qui n’appartient qu’à eux seuls.
Car les yeux de la poupée sont l’unique paire d’yeux
Qui de tant et tant d’yeux subsiste encore en ce lieu,
Les seuls qui aient resurgi de ce tas de cendre humaine,
Seuls sont demeurés des yeux les yeux de cette poupée
Qui nous contemple à présent, vue éteinte sous la cendre,
Et jusqu’à ce qu’il nous soit terriblement difficile
De la regarder dans les yeux.
Dans ses mains, il y a peu, l’enfant tenait la poupée,
Dans ses bras, il y a peu, la mère portait l’enfant,
La mère tenait l’enfant comme l’enfant la poupée,
Et se tenant tous les trois c’est à trois qu’ils succombèrent
Dans une chambre de mort, dans son enfer étouffant.
La mère, l’enfant, la poupée,
La poupée, l’enfant, la mère.
Parce qu’elle était poupée, la poupée eut de la chance.
Quel bonheur d’être poupée et de n’être pas enfant !
Comme elle y était entrée elle est sortie de la chambre,
Mais l’enfant n’était plus là pour la serrer contre lui,
Comme pour serrer l’enfant il n’y avait plus de mère.
Alors elle est restée là, juchée sur un tas de cendre,
Et l’on dirait qu’alentour elle scrute et qu’elle cherche
Les mains, les petites mains qui voici peu la tenaient.
De la chambre de la mort la poupée est ressortie
Entière avec sa forme et avec son ossature,
Ressortie avec sa robe et avec ses tresses blondes.
Et avec ses grands yeux bleus qui tout plein d’étonnement
Nous regardent dans les yeux, nous regardent, nous regardent.
Ce poème écrit par Mosche Shulstein pendant la seconde guerre mondiale. Il fut publié après la libération de la France et des camps de concentration. Mosche Shulstein était un survivant de la shoah.
Ce poème évoque la souffrance de la déportation mais aussi toutes les personnes qui sont mortes dans ses camps comme cette jeune fille qui a perdu sa poupée.

Le système concentrationnaire doit être vu comme une organisation coiffée par la SS et subordonnés au Reichsführer SS Heinrich Himmler.
Ce système poursuivait deux finalités différentes pouvant occasionnellement se croiser:
* La première: le regroupement dans des camps de concentration des individus jugés dangereux ou indésirables par le pouvoir, auxquels s’ajouteront les résistants, les « insoumis », les réfractaires, otages ou suspects de toute l’Europe occupée. Ils y sont relégués dans des conditions telles que leur survie reste aléatoire. ( « Nacht und Nebel » )
* La seconde: la destruction immédiate et impitoyable de groupes humains entiers (Juifs et Tsiganes essentiellement) dans des centres d’extermination, véritables usines de mort. Des enfants et des adolescents ont été envoyés dans ces deux composantes.
Le « projet nazi » avait essentiellement un caractère raciste par la définition d’une spécificité de l’homme « aryen » supérieur aux autres. Les nazis font coïncider cet homme « aryen » avec les représentations classiques du type humain nordique (grand, blond, aux yeux clairs…) dont la nation allemande serait l’expression par excellence. Bizarrement, tout ce que Hitler n'était pas !
En découle la nécessité pour la nation allemande de « se débarrasser » des éléments « racialement inférieurs » et tout particulièrement des Juifs et des Tsiganes. Le génocide des Juifs, ou Shoah et celui des Tsiganes ou Samudaripen en furent l’aboutissement.
Ce projet nazi se base donc sur un principe de domination universelle, dévolue au peuple allemand qui serait, en quelque sorte, investi de la mission de diriger le monde et, au mieux, d’exploiter les peuples « inférieurs »; au pire de les éliminer.
L’arrivée d’enfants et d’adolescents dans le système concentrationnaire correspond à la mise en application par le III° Reich de ces politiques spécifiques. Le faible nombre de déportés juifs rentrés (+/-3 %) montre que la survie est restée l’exception, plus encore lorsqu’il s’agissait d’enfants. On peut estimer l’assassinat des enfants juifs de moins de dix-huit ans à plus de deux millions dont un million et demi de moins de quinze ans. Les enfants étaient visés car les nazis voyaient en leur mort le mode d’extermination le plus parfait de la « race juive ».
Comme preuve, la déclaration d'Himmler s’adressant à un groupe de Gauleiters et de Reichsleiters, le 6 octobre 1943:
« Je ne me crois pas autorisé à exterminer des hommes si je laisse grandir leurs enfants qui se vengeront sur nos fils et nos petits-enfants. La pénible décision est prise: ce peuple doit disparaître de la surface de la terre ».
