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awans-memoire-et-vigilance.over-blog.com

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Site relatif au devoir de mémoire. Concerne la FNC, la FNAPG et la CNPPA pour AWANS, BIERSET. Concerne les combattants, les résistants, les prisonniers, la guerre, l'armistice, la libération. Reportages sur les commémorations, les Monuments aux Morts, la Fête Nationale. Discours 11 novembre, 21 juillet et autres.


André PEZARD: " Nous autres à VAUQUOIS" Le témoignage d'un jeune officier inexpérimenté.

Publié le 22 Août 2019, 18:47pm

André PEZARD:

Son témoignage sur 14-18 : un essai de traduction entre le vécu, le souvenir et leur expression écrite.

1. André PEZARD.

Fils d’instituteur, il est né le 22 juin 1893à Paris. Il est mort le 26 août 1984 à Sault ( Vaucluse ), à l’âge de 91 ans. Après des études classiques à Paris au lycée Montaigne puis au lycée Louis-le grand, il est reçu à l’École normale supérieure le 25 juillet 1914.

 

Il est mobilisé, quelques jours plus tard, le 10 août 1914. Il part au front à partir du 26 janvier 1915 comme sous-lieutenant puis comme lieutenant d'infanterie. Il fait la campagne de Vauquois en Argonne et celle de la Somme. Blessé le 20 septembre 1916, il reçoit la Croix de guerre avec deux citations ainsi que la Légion d’honneur pour faits de guerre.

 

Il fut blessé à Bouchavesnes le 20 septembre 1916 et, par la suite, réformé.

 

Après la guerre, il reprend ses études à l'École normale supérieure et à la SorbonneAgrégé d'italien en 1919, il enseigne pendant plus de 17 ans, à Avignon puis à Lyon. Le 10 mars 1945, il devient docteur ès lettres: sa thèse consacrée à Dante Alighieri.

 

Il est élu en 1951 au Collège de France où il occupe la chaire de littérature et civilisation italiennes. Il y professe jusqu’en 1963.

2. Son témoignage.

 

Dès 1918, il donne sous le titre « Nous autres à Vauquois » un témoignage sur la vie rude de la troupe durant la guerre. Ce récit est la relation au jour le jour des combats sans merci, des souffrances et de la mort de certains de ses camarades. Le livre est considéré comme le chef d'œuvre de la littérature de témoignage sur la guerre des tranchées, un essai de traduction entre le vécu, le souvenir et leur expression écrite.

 

Durant la guerre, il tient de nombreuses notes, des « journaux ». ceux-ci constituent une matrice à partir de laquelle il construira, dès 1917, son récit. Mais à ces notes prises dans les carnets, au jour le jour tout au long de la guerre, s’ajoutent d’autres documents que Pézard « indexe » pour les associer de la manière la plus précise possible au cours des événements vécus : photos, lettres sont ainsi mentionnés, répertoriés dans les carnets. La vie des hommes au quotidien s’éclaire à la lumière de ce faisceau de sources d’une exhaustivité exceptionnelle.

Ce livre fut traduit en Allemagne en 1932. Le succès d’estime dont il jouit, notamment auprès d’anciens combattants, lui vaut de recevoir une abondante correspondance – côté français ET allemand.

 

Ce témoignage de guerre, publié peu avant la fin de la Première Guerre mondiale, est considéré comme l’un des plus vrais et des plus beaux, à l’égal des récits de Maurice Genevoix.

 

Il faut bien se souvenir qu'à l'arrière en 18, on n'avait des souvenirs que de propagande et une idée faussée ou idéalisée de la réalité. Il y avait urgence à rendre hommage aux morts et de faire connaître à ceux d'arrière la vérité de cette guerre atroce.

 

3. Quelques témoignages d’estime.

 

« Son témoignage est précieux à plus d'un titre. D'abord par sa qualité littéraire: décrire l'enfer avec une plume quasi proustienne donne, paradoxalement, un réel plaisir de lecture. Ensuite parce que ce jeune lieutenant offre une plongée indicible au cœur du monde des poilus, c'est-à-dire de la France telle qu'elle était alors. Cette radiographie d'un peuple, réduit à l'état quasi animal sur la butte de Vauquois, est étonnante : par son « travail d'inventaire pour enchères publiques après décès », Pézard va au-delà de l'absurdité, voire de la bêtise, des ordres et contrordres. Il décrit à la pointe sèche l'avènement d'une humanité qui choisit de rester debout pour échapper à l'animalité qui la guette à chaque seconde. »

La Croix - Frédéric Mounier

 

 « Allez-y voir, pour comprendre, la gorge nouée, ce que fut la Grande Guerre de la mort industrielle, de la peine et la grandeur des hommes. Montez-y, avec dans le sac ce livre du lieutenant Pézard qui dit l'histoire boueuse et vaillante de ce qu'un de ses camarades, qui a lu Barrès, a dénommé dans son agonie « la colline expirée ». Car Norton Cru, le terrible examinateur en 1929 des témoignages de guerre, lui, n'a pas hésité : Nous autres à Vauquois, affirme-t-il, c'est le chef-d’œuvre absolu, misère et poésie, désespoir et stoïcisme mêlés. Il a raison. »

L'Histoire - Jean-Pierre Rioux

 

4. Quelques extraits.

Nous sommes frappés par ses accès de lucidité et d’honnêteté qui frisent le désespoir. Il faut bien se souvenir que ce n’était qu’un jeune officier inexpérimenté. Cela montre aussi l’état d’impréparation des armées en 1914.

 

« Tout d’un coup, je me trouve odieux, à la fois dur et lâche. J’ai beau être debout quand les autres se collent aux meurtrissures ignobles du sol, je profite de mon grade et de l’assentiment muet de mes chefs pour injurier des misérables qui font le gros dos devant la mort affreuse ; écœuré, tout en sachant qu’il n’y a plus d’autre moyen, je jette sans cesse, comme un énergumène, deux ou trois insultes, toujours les mêmes, mais de plus en plus abjectes ; j’outrage de pauvres gens parmi tous les morts. »

 

« Quatre heures et demie. Depuis cinq ou six quarts d’heure, des obus glissent par intervalles, au-dessus de nous, avec un bruit soyeux. Ils se suivent patiemment, doucement, dans la pluie menue. Ils semblent perdus sous ce ciel monotone ; ils hésitent à tomber parmi toute cette boue. Chacun a l’air de chercher un chemin pour son compte, en gémissant. On vient de nous donner les mêmes ordres qu’hier. Baïonnette au canon, nous nous enlisons de plus en plus dans nos tranchées, sans rien voir. »

 

 

« La poussière tombe, lasse de chaleur. À peine l’air cesse-t-il d’être battu et déchiré, que la pestilence aride des morts s’y épanche derechef comme une mer étale. La paix puante de Vauquois s’écrase et brûle. Dans notre gorge, semble refluer une haleine charogneuse, soufflée par cent bouches noires de fièvre ; on pense vomir ses entrailles soulevées en houle grasse et chaude jusqu’aux dents. Perdue parmi les pierrailles, une vieille jambe traîne, toute brune. Le jour s’éternise, délire éclatant et muet. »

 

«  J'ai couché (?) cette nuit, sous les planches qui s'égouttent... A deux heures du matin, dormant mal à cause de la température basse, j'entends de singuliers bruits, dehors... Je me lève pour aller danser un peu à l'air. Les Boches lancent sur notre cote et les environs des tas d'obus, dans les basses pentes surtout... Ils arrivent en sifflant tout doucement, avec une trajectoire très courbe, dirait-on, et fatiguée, à bout... Je rentre, impossible de dormir. Ce bruit de petits obus, dehors, me rappelle des clapotements de pendeloques lentes, des chocs flottants de bouteilles qui grelottent dans l'eau d'un baquet. Trois heures du matin : "Mon lieutenant, alerte aux gaz !"...
Je ne respire plus sous ce masque ; la poitrine me cuit ; un goût d'huile chaude et de poire gâtée m'encrasse la gorge, à vomir. Sans réfléchir j'ôte mon masque. Houpp ! je me noie, les gaz m'ensanglantent les muqueuses, ; les yeux me sortent de la tête, la toux manque de me l'arracher des épaules..."

 

Et son épigraphe :

« Je deviendrai vieux, avec vous qui serez jeunes. […] Je dis à mi-voix « MES AMIS MORTS », et le battement de mes lèvres fait mouvoir des sanglots. Laissez-moi dire ceci lentement, comme est lente une pensée endolorie ; laissez-moi dire lentement, comme tombent à regret, de chères syllabes meurtries : ” Adieu, ma pauvre guerre ! ” Et, c’est tout. – Adieu ma pauvre guerre. »

 

5. Pour finir : quelques mots sur la bataille de Vauquois.

 

Durant 1500 jours de combats acharnés, la butte de Vauquois a tout connu, au point d’en faire un concentré de la Grande Guerre. Premier lance-flammes, engins explosifs en tous genres, gaz divers… Et surtout, la guerre des mines : chaque camp creuse dans la butte d’innombrables souterrains, afin d’aller enfouir des tonnes d’explosifs sous les tranchées adverses pour les faire sauter.

 

Parmi ces soldats qui vivent sous terre pour faire en sorte que d’autres soient mis hors de combat, environ 14000 vont mourir.

 

Côté allemand, trois hommes ont également écrit: Hermann Hoppe, qui construisit la salle des machines capable d’alimenter en électricité dix-sept kilomètres de galeries ; August Schmitz, le guetteur ; Friedrich Von Hüllesheim, le dernier officier sur la butte.

 

6. L’influence de Vauquois sur la carrière universitaire de PEZARD.

 

Il a donné pour titre à sa thèse sur le poète italien le nom d’un des cercles de l’Enfer : Sous la pluie de feu.Sans doute pensait-il alors à celui qu’il avait vécu avec ses camarades de combat à Vauquois…


Au milieu du chemin de notre vie
je me retrouvai par une forêt obscure
car la voie droite était perdue.
Ah ! dire ce qu’elle était est chose dure,
cette forêt féroce et âpre et forte
qui renouvelle la peur dans la pensée !
Elle est si amère que mort l’est à peine plus ;
mais pour traiter du bien que j’y trouvai,
je dirai des autres choses que j’y ai vues.
Je ne sais pas bien redire comment j’y entrai,
tant j’étais plein de sommeil
en ce point où j’abandonnai la voie vraie. (Chant I)

 

 

 

 

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