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awans-memoire-et-vigilance.over-blog.com

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Site relatif au devoir de mémoire. Concerne la FNC, la FNAPG et la CNPPA pour AWANS, BIERSET. Concerne les combattants, les résistants, les prisonniers, la guerre, l'armistice, la libération. Reportages sur les commémorations, les Monuments aux Morts, la Fête Nationale. Discours 11 novembre, 21 juillet et autres.


"Nuit et Brouillard" de Jean FERRAT ( Une revanche de l'histoire )

Publié le 30 Juillet 2019, 19:07pm

JEAN FERRAT :

« NUIT ET BROUILLARD »

 

NUIT ET BROUILLARD.

 

« Ils étaient vingt et cent, ils étaient des milliers
Nus et maigres, tremblants, dans ces wagons plombés
Qui déchiraient la nuit de leurs ongles battants
Ils étaient des milliers, ils étaient vingt et cent

Ils se croyaient des hommes, n'étaient plus que des nombres
Depuis longtemps leurs dés avaient été jetés
Dès que la main retombe il ne reste qu'une ombre
Ils ne devaient jamais plus revoir un été

La fuite monotone et sans hâte du temps
Survivre encore un jour, une heure, obstinément
Combien de tours de roues, d'arrêts et de départs
Qui n'en finissent pas de distiller l'espoir

Ils s'appelaient Jean-Pierre, Natacha ou Samuel
Certains priaient Jésus, Jéhovah ou Vichnou
D'autres ne priaient pas, mais qu'importe le ciel
Ils voulaient simplement ne plus vivre à genoux

Ils n'arrivaient pas tous à la fin du voyage
Ceux qui sont revenus peuvent-ils être heureux
Ils essaient d'oublier, étonnés qu'à leur âge
Les veines de leurs bras soient devenues si bleues

Les Allemands guettaient du haut des miradors
La lune se taisait comme vous vous taisiez
En regardant au loin, en regardant dehors
Votre chair était tendre à leurs chiens policiers

On me dit à présent que ces mots n'ont plus cours
Qu'il vaut mieux ne chanter que des chansons d'amour
Que le sang sèche vite en entrant dans l'histoire
Et qu'il ne sert à rien de prendre une guitare

Mais qui donc est de taille à pouvoir m'arrêter ?
L'ombre s'est faite humaine, aujourd'hui c'est l'été
Je twisterais les mots s'il fallait les twister
Pour qu'un jour les enfants sachent qui vous étiez

Vous étiez vingt et cent, vous étiez des milliers
Nus et maigres, tremblants, dans ces wagons plombés
Qui déchiriez la nuit de vos ongles battants
Vous étiez des milliers, vous étiez vingt et cent »

 

De son vrai nom, Jean TENENBAUM, Jean FERRAT est né à Vaucresson (Hauts-de-Seine), le 26 décembre 1930. Il était le dernier des enfants de la famille. Son père Michel, TENENBAUM, bijoutier, juif ashkénaze, était arrivé à Paris au début du 20siècle, fuyant sans doute les pogroms. En 1928, son père fut naturalisé français.

 

Son père fut déporté de Drancy par le convoi n°39 en septembre 1942 et mourut à Auschwitz le mois suivant. Jean avait alors 11 ans et sera, comme tant d'autres, "adopté" par la Nation. Il n'oubliera jamais qu'il devait sa survie aux résistants communistes, tout comme il n'oubliera jamais ses origines. Il disposait de peu d'informations sur son ascendance paternelle. Entre le 20 août 1941 et le 17 août 1944, près de 80.000 juifs ont été internés dans le camp de Drancy. Quelque 67.000 hommes, femmes, enfants et vieillards, ont été ensuite déportés, pour la plupart à Auschwitz.

 

Le traumatisme de cette disparition est terrible pour Jean. Il évoquera d'ailleurs cette blessure dans sa chanson Nul ne guérit de son enfance ".

 

Du côté maternel, Jean Ferrat est issu d'un milieu modeste. Son grand-père était homme de peine et sa grand-mère, marchande des quatre saisons,

 

 

Jean Ferrat grandit à Versailles. Devant interrompre ses études pour aider sa famille, il se lance dans la musique, d'abord sous le nom de Jean Laroche, avant d'adopter celui de Jean Ferrat, en référence à la ville de Saint-Jean-Cap-Ferrat. Il connaîtra la célébrité à partir de 1960. En 1961, il épousa à Ivry-sur-Seine, la chanteuse Christine Sèvres, née Jacqueline Amélie Estelle Boissonnet, dont il adoptera la fille, Véronique.


Onze ans après le décès de son épouse, il se remarie avec Colette Laffont qu'il a laissé veuve le 13 mars 2010.

 

« Nuit et Brouillard » est une chanson sortie en décembre 1963 chez Barclay. Jean Ferrat est, tout à la fois, le compositeur, le parolier et l’interprète. C’est une chanson en mémoire des victimes des camps de concentration nazis de la Seconde Guerre mondiale, et en particulier en mémoire de son père. Le titre fait référence à la directive « Nacht und Nebel » (« Nuit et Brouillard »)signée en 1941 par Adolf Hitler, qui stipulait que les personnes représentant une menace pour le Reich ou l’armée allemande dans les territoires occupés seraient condamnées à mort ou déportées.

 

Pour rappel,« Nuit et brouillard » est aussi le titre un film sorti en 1955 et réalisé par Alain Resnais. C’est un mélange d’archives qui traite de la déportation et des camps de concentration et d’extermination nazis.

 

Sans doute pour ne pas déplaire à l'Allemagne, la chanson fut « déconseillée » par le directeur de l’ORTF, mais passa un dimanche à midi sur la première chaîne. A cette époque, la France n’est pas encore prête à assumer ses erreurs, à regarder en face ses responsabilités dans le drame d’un peuple qu’elle a elle même vendu à son agresseur. Quelques passage radio suffiront à faire connaître la chanson pour laquelle, Jean Ferrat reçut le grand prix du disque de l’Académie Charles-Cros en 1963. Ce fut le début du succès pour le chanteur. C’est l’époque des Yéyé et cette chanson apparaît donc comme anachronique.

 

Il fallut cette chanson pour qu'on se souvienne des camps de concentrations nazis, ou même que certains découvrent leur existence. Pourtant, moins de vingt ans s’étaient écoulé depuis. A l’époque, les survivants juifs se taisaient pour oublier l’horreur vécue et le monde semblait ignorer ou voulait ignorer l’ampleur des crimes commis.

Que nous disent les paroles ? : elles sont engagées et délivrent un message. Elles font référence à la Shoah. Pour montrer qu’ils furent de plus en plus nombreux à être déportés Jean Ferrat utilise le procédé d’amplification : « ils étaient vingt et cent, ils étaient des milliers » Ce vers est répété à la fin du premier couplet mais inversé. Pourtant, idiotement, certains ont utlisé cette phrase pour accuser Jean FERRAT de minimiser la Shoah ( « ils étaient des milliers » alors qu'ils étaient, en fait « des millions » )

 

Au couplet 4, il cite des prénoms de déportés de religions différents ce qui montre que la déportation a touché des résistants, des opposants au régime, des juifs, ds gens de religions différentes. ( on lui a, pareillement, reprocher de banaliser le sort des juifs ).

 

Au couplet 2, la déshumanisation: les hommes ont perdu leur identité « nus et maigres tremblants » « n’étaient plus que des nombres… ».

 

Au couplet 3, l’instinct de survie et l’espoir de s’en sortir.

 

Le voyage pénible et la mort : « wagons plombés », « dès que la main retombe il ne reste qu’une ombre, ils ne devaient jamais plus revoir un été », et au couplet 5 « ils n’arrivaient pas tous à la fin du voyage ».

 

Le couplet 6 où il remplace le pronom « ils » par « les allemands » (provoquant surprise, violence). La mort est évoquée avec « votre chair était tendre à vos chiens policiers ».

 

Surtout, interpellant, le vers 22. Jean Ferrat dénonce l'indifférence ou la lâcheté, qui ont fait que personne n’a pu les sauver. La répétition du verbe « se taire » insiste sur la solitude des déportés face à leur destin tragique.

 

Au vers 32, le Devoir de Mémoire : « Pour qu’un jour les enfants sachent qui vous étiez ».

Revanche de l'histoire: alors que, en 1963, la Radiodiffusion-télévision française interdisait Nuit et Brouillard, 55 ans plus tard, lors de l’hommage à Simone VEIL au Panthéon, un chœur chantait Nuit et Brouillard avec les gestes de la langue des signes.

"Nuit et Brouillard"

Tableau de Gabriel Landry

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https://www.youtube.com/watch?v=3k8VsijdTwo
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O
https://www.youtube.com/watch?v=3k8VsijdTwo
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Je twisterais les mots s'il fallait les twister<br /> Pour qu'un jour les enfants sachent qui vous étiez<br /> <br /> Fin de l’avant-dernier couplet. Jean Ferrat répond à l’avance à la critique qui touchera aussi quelques années plus tard le film « La liste de Schindler ». Peut-on créer une chanson pour parler de cet événement sans du coup le banaliser en le traitant comme n’importe quel autre événement ? <br /> <br /> Oui, mais au moins on en parle et on travaille la mémoire de personnes qui n’ont peut-être pas eu beaucoup de cours d’histoire car sortis tôt de l’école. <br /> <br /> La position de Jean Ferrat est en tout cas clairement assumée.
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