Confession d’un ancien officier de la WERHMACHT
après 50 années.
August von KAGENECK

Un ancien officier Allemand August von KAGENECK s’interroge sur sa responsabilité personnelle dans l’histoire de son pays, 50 ans après la guerre. Né le 31 août 1922 à Lieser en Rhénanie et décédé le 13 décembre 2004 à Bad Oldesloe près de Lübeck, c’est un journaliste et écrivain. Au cours de la Seconde Guerre mondiale, il fut officier de panzers puis instructeur dans une école de blindés.

Il publia en France plusieurs ouvrages relatant son expérience de la guerre: « Lieutenant de panzers », en 1994 (réédition d'un ouvrage paru en 1968 sous le titre « Lieutenant sous la tête de mort »), « Examen de conscience », « La Guerre à l'Est », « De la croix de fer à la potence ». Ce dernier ouvrage est la biographie d'un officier allemand, d'abord enthousiasmé par la guerre mais qui, après une blessure en Afrique, commence à s'interroger sur son action, ce qui le conduit à la potence pour avoir participé à la tentative de renversement d’Hitler.
Selon lui, ce que l’on peut le plus reprocher à la Wehrmacht c’est d’avoir petit à petit, sans rien dire, accepté les thèses antisémites nazies. Pourtant la Werhmacht, d’après lui,aurait dû être garante de l’indépendance de l’armée envers le pouvoir politique.
Un autre reproche aussi aux membres de la Werhmacht : avoir, sur le front de l’est, été témoin de massacres, sans réagir. Il cite la conclusion édifiante d’un jeune médecin militaire:
« Je ne doute pas que la révolte devant ces faits est assez générale dans l’armée. Chacun estime odieux que certains profitent de l’héroïsme des soldats du front, pour poursuivre leurs sinistres buts. Mais hélas, ce ne fut pas la flamme de l’humanitas qui jaillit du fond de nos cœurs. Ce poison d’antisémitisme avait déjà fait œuvre de destruction. La corruption morale après sept ans de règne des " autres " avait déjà fait son chemin, même chez ceux qui l’avaient violemment nié dans leur fort intérieur. »
Voici ce qu’il écrit courageusement:
« J’accuse en effet l’aristocratie allemande et la grande bourgeoisie d’avoir souhaité ou fini par soutenir l’arrivée du national-socialisme en Allemagne ».
August von Kageneck démystifie l’idée d’une Wehrmacht n’ayant jamais directement participé aux épurations raciales. Mais, comme il l’avoue, il ne s’est jamais lui-même révolté contre ces exactions, grisé par la gloire militaire, prisonnier de l’esprit de corps d’une armée qui finit par lutter contre une défaite que tous savaient pourtant inéluctable.
En témoigne sa confession:
« L’immense majorité des combattants de la Russie n’a pas laissé raisonner la voix de la conscience dans son cœur. J’en fus. »
« D’autres encore, comme moi comme Helmut Schmidt, ont eu le bonheur, la baraka, de ne pas avoir été exposés à une situation où le sentier entre la conscience et l’obéissance est terriblement étroit. Où la simple contagion de la guerre, où la familiarité avec la mort pouvait faire trébucher à chaque instant. D’autres encore ont su que des choses terribles se passaient, mais comme Klaus von Bismarck, ne pouvaient pas se décider à abandonner leurs subordonnés. Et d’ailleurs, comment partir quant on est au front ? Comment quitter l’armée en temps de guerre ? »

Il dépeint aussi l’état d’esprit des officiers chargés de motiver les soldats à l’école des blindés le soir où ils ont appris le débarquement en Normandie:
« Mais ce soir-là, nous, les officiers, avions tous compris que le glas venait de sonner pour l'Allemagne, le Reich, le Führer et nous-mêmes.
« Nous savions ce qui nous attendait. Nous connaissions parfaitement la redoutable supériorité matérielle de la coalition ennemie qui venait de débarquer en Normandie. Soutenus par les divisions africaines du général Juin, les «Alliés» s'étaient déjà emparés aisément de Rome, après avoir cassé le fameux verrou de Cassino. Nos camarades avaient subi là-bas l'effroyable déluge de feu de l'aviation et de l'artillerie anglo-américaines. Nuit après nuit, jour après jour, leurs armadas de forteresses volantes déversaient leurs tonnes de bombes sur nos villes d'Allemagne, les transformant une à une en champs de ruines. »
