L'Administration Communale de BIERSET dans la tourmente.
Ceci est tiré du livre de Gilbert MOTTARD, Gouverneur de la Province de LIEGE :
« DES ADMINISTRATIONS ET DES HOMMES DANS LA TOURMENTE LIEGE 1940-1945 »
En ce qui concerne les anciennes communes du ressort de la section FNC « AWANS-BIERSET ET ENVIRONS », nous ne disposons guère de renseignements. Nul doute que les Bourgmestres, Echevins et Conseillers communaux ont eu leur lot d'ennuis avec l'occupant. Pour ce qui touche l'ancienne commune de BIERSET, la situation fut beaucoup plus complexe. On peut dire que l'on a assisté à un véritable coup d'état communal, une prise de possession « à la hussarde » de la commune par les rexistes.
Voici le chapitre que Gilbert MOTTARD y consacre :
« BIERSET
Le 24 janvier 1939, à la suite du désistement du Bourgmestre précédent, Henri VREVEN, Conseiller communal depuis 1921 et Echevin depuis 1927, est présenté en qualité de Bourgmestre ; le conseil communal est composé de 5 socialistes et 4 intérêts communaux.
Le 15 mai 1941, VREVEN est autorisé à rester en fonction bien qu'il ait dépassé la limite d'âge.
L'échevin HUMBLET ne bénéficie pas de la même mansuétude et le Commissaire d'Arrondissement de LIEGE transmet les candidatures de Joseph FLABA et Léon LEDOUBLE, Conseillers communaux, et d'Emile LAGASSE, qui est militaire de carrière ; à l'égard de ce dernier, le Commissaire d'Arrondissement rappelle les prescriptions de la Loi électorale et ajoute: « Il appartient donc à l'autorité supérieure d'apprécier si cette incompatibilité doit encore être appliquée actuellement. »; le 7 novembre 1941, le Gouverneur transmet les trois candidatures au Secrétaire Général de l'Intérieur qui, par des arrêtés du 20 décembre 1941, considère HUMBLET comme démissionnaire et désigne Emile LAGASSE pour le remplacer; le 15 janvier 1942 ROMSEE est obligé d'intervenir parce que l'intéressé n'a pas encore pu prêter serment, ce qu'il ne fera que le 5 février 1942.
A la suite du décès du Bourgmestre VREVEN, c'est l'échevin Léon LONDOT qui va a (1ssumer l'intérim de janvier à juillet 1942.
Le 9 mai 1942, c'est Gérard ROMSEE lui-même qui signale au Gouverneur PETIT la candidature de Lucien GIROUL, employé, combattant de la guerre 1914-1918, âgé de près de 48 ans.
De nombreux rappels sont adressés au Commissaire d'Arrondissement en vue de la présentation de candidatures ; ce n'est que le 9 juillet 1942, après avoir pris l'avis de l'Oberfeldkommandantur que le Commissaire d'Arrondissement transmet quatre candidatures : 2 sont agrées par les Allemands, celle de Fernand FLABA et de Lucien GIROUL ; ne sont pas agréées, celles de Léon LONDOT et d'Ed. ROME ; le Commissaire d'Arrondissement plaide en faveur de Fernand FLABA qui est le fils d'un ancien Bourgmestre ; il critique la candidature de GIROUL en ajoutant que le Secrétaire Communal va devoir lui aussi être remplacé et que, étant donné que l'Echevin fraîchement désigné est déjà rexiste, il est vraisemblable que la désignation de GIROUL aurait pour résultat que l'autre Echevin Léon LONDOT ne serait pas très collaborant et se cantonnerait dans son rôle d'Echevin ; c'est effectivement ce qui va se passer.
Le 14 juillet 1942, la députation permanente émet l'avis qu'il faut désigner le candidat dans le Conseil communal et qu'il n'y a pas lieu dans ces conditions de recourir à l'application de l'article 2 de la Loi communale permettant le choix d'un candidat hors conseil ; en transmettant les candidatures, le Gouverneur PETIT s'exprime comme suit « n'était l'avis de la Députation permanente du 14 juillet 1942 décidant qu'il n'y a pas lieu de nommer hors conseil, je vous proposerais plutôt la candidature de M. GIROUL ».
Par arrêté du 23 juillet 1942, Lucien GIROUL est désigné pour remplir les fonctions de Bourgmestre.
Dès ce moment, Léon LONDOT qui est un élu de la liste « Intérêts communaux » refuse de remplir sa charge d'échevin et ne se présente plus aux réunions du Collège échevinal auxquelles il est régulièrement convoqué ; il n'est pas étonnant dès lors que, par une notification du 6 avril 1943, interdiction lui soit faite d'exercer encore ses fonctions ; dans une note de l'Oberfeldkommandantur du 22 avril 1943 au Gouverneur de la Province le concernant, on trouve la simple phrase suivante « Nous insistons particulièrement sur la suite réservée à la lettre susdite » et le 23 juin 1943, l'Oberfeldkommandantur se manifeste à nouveau pour solliciter une proposition en vue de son remplacement ; c'est par un arrêté du 2 septembre 1943 que sa démission est acquise.
Le 25 octobre 1943, Emile LAGASSE qui s'est déjà établi à LIEGE, adresse au Gouverneur la courte lettre suivante « Par suite d'un attentat commis contre ma personne le samedi 25 septembre 1943, je me suis vu forcé de changer de domicile. Je viens par la présente, vous présenter ma démission du poste d'Echevin que j'occupais à BIERSET. Entretemps, je vous prie... »
Deux charges d'Echevin sont ainsi vacantes.
Le 15 novembre 1943, le Secrétaire Général de l'Intérieur indique à LAGASSE qu'il accepte sa démission mais qu'il doit rester en fonction jusqu'à la désignation de son successeur.
Pour remplacer Léon LONDOT, la candidature de Joseph BOURGEOIS est introduite ; ce dernier qui n'est pas conseiller communal est désigné par un arrêté du 3 décembre 1943 ; il faut encore noter que, dès novembre 1942, le Bourgmestre GIROUL avait demandé le remplacement de Léon LONDOT par Joseph BOURGEOIS en qualité de Chef de la Défense aérienne passive.
Dès le 4 janvier 1944, un mois après son entrée en fonction, BOURGEOIS adresse sa démission d'Echevin dans les termes ci-après : « le lendemain de ma nomination, je recevais déjà une lettre de menaces dans laquelle se trouvait cette phrase '' nous espérons que vous serez digne de vos collègues JABO, RUTH et consorts'' et signée ''le Comité central de la Résistance''. De plus, Monsieur le Gouverneur, vous avez certainement dû avoir connaissance de l'assassinat perpétré il y a une huitaine de jours sur une personne de BIERSET . Dans ces conditions, étant marié et père de 4 petits enfants... »
Interrogé, le Commissaire d'Arrondissement HOLOYE indique que BOURGEOIS n'a plus assisté à aucune séance du Collège et se refuse à signer les mandats qui lui sont présentés, qu'il sera difficilement remplacé et que, dans ces conditions, GIROUL va rester seul pour administrer la commune ; en conséquence, le gouverneur propose le 3 février 1944 au secrétaire général de l'Intérieur d'accepter la démission présentées par BOURGEOIS en ajoutant: « Ces situations dues au terrorisme qui sévit actuellement se multiplient. Elles risquent de compromettre la marche des Administrations communales. »
dans une lettre du 9 mars 1944, le Bourgmestre GIROUL signale qu'il a invité les Conseillers communaux à poser officiellement leur candidature au poste d'Echevin vacant mais que chacun s'est désisté pour des raisons diverses; il ajoute que lAGASSE et BOURGEOIS, Echevins démissionnaires, n'assument plus leurs fonctions et s'interroge sur la manière d'ordonnancer les mandats telle qu'elle est prévue en accord avec le Commissaire d'arrondissement avec les seules signatures du Bourgmestre et du secrétaire mais le receveur communal n'étant chargé de la sorte que de liquider les dépenses obligatoires.
Le 23 mars 1944, le Gouverneur s'adresse respectivement au Commissaire d'arrondissement et au secrétaire général de l'Intérieur en faisant remarquer que contrairement aux dires du Bourgmestre, la démission de LAGASSE a été écceptée, que par conséquent, une place d'Echevin est vacante et qu'il y aurait lieu de mettre tout en oeuvre pour découvrir un candidat, et en insistant auprès de son deuxième correspondant pour que celui-ci accepte le plus rapidement possible la démission de BOURGEOIS; on trouve dans cette dernière lettre après ce souhait, la phrase suivante: « n'ayant aucun pouvoir coercitif contre les Echevins, je me vois dans l'impossibilité de les obliger à continuer leurs fonctions. »
Le 8 juin 1944, Gérard ROMSEE notifie à BOURGEOIS qu'il lui accorde la démission sollicitée mais qu'il doit rester en fonction jusqu'à la désignation de son successeur; un arrêté du 15 juin 1944 confirme cette démission.
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Epilogue: Lucien GIROUL fut condamné à 3 ans d'emprisonnement par Arrêt de la Cour Militaire du 18 mars 1947.
Gérard ROMSEE, Secrétaire Général de l'Intérieur...à la botte des nazis !