Le Kaizer, de l'époque triomphale à la désolation.
C’est sur le territoire de la Province de LIEGE que se sont déroulés les premiers combats de la Grande Guerre, le 4 août 1914.
C'est aussi la Province de LIEGE qui vit se dérouler l’aboutissement du conflit avec l’abdication du Kaiser GUILLAUME II, à SPA, le 9 novembre 1918.
GUILLAUME II ( Frédéric Guillaume Victor Albert de Hohenzollern ) fut de 1888 à son abdication en 1918, le troisième et dernier empereur allemand et le neuvième et dernier roi de Prusse.
Légèrement infirme, suite à un accouchement très difficile qui lui valut une paralysie totale du muscle de l'épaule gauche et du bras due à une pression ou contusion des muscles et ligaments. Comme allemand "normal", il n'aurait jamais pu être militaire. Situation inconcevable pour un monarque de l'époque.
Cela marqua son caractère. Ainsi, il collectionnait les uniformes et aimait les porter. Il en changeait plusieurs fois par jour ou selon les circonstances. Par exemple, Il s'habillait en garde-champêtre pour un pique-nique, ou en amiral pour visiter un aquarium ou un navire. Il avait fait installer une selle de cheval dans son bureau et il expliquait à ses visiteurs que, grand cavalier, il préférait cela à un fauteuil. Son, infirmité l'empêchait en fait d'être un brillant cavalier.
Quelques mots sur son règne. Il n'est pas question ici d'être exhaustif. On se bornera à quelques épisodes.
Son règne fut marqué par un changement total de la politique traditionnelle prussienne. On passa à un militarisme exagéré, aggravé par l'autoritarisme. Une compensation personnelle ?
Plus spécifiquement, il voulait donner à l'Allemagne une envergure internationale. L'empire allemand n'existait que depuis 17 ans lorsqu'il monta sur le trône. Il abandonna la Realpolitik de Bismarck pour adopter la Weltpolitik, une politique expansionniste et colonialiste et le développement d'une marine de guerre. Cela en accord avec une opinion publique demandant une politique étrangère plus active. Aussi pour concorder avec la montée en puissance des groupes nationalistes comme la Ligue Pangermaniste.
La Ligue Pangermaniste fut créée le 9 avril 1891, à la suite de la signature du traité Héligoland-Zanzibar anglo-allemand. Il s'agit de mieux soutenir les intérêts économiques de l'Allemagne. Les revendications sont d'obédience nationaliste, puis deviennent racistes et antisémites, sur fond d'expansion territoriale. Les militaires et hauts fonctionnaires composant cette ligue avaient aussi pour but l'éclatement de l'empire d'Autriche-Hongrie. En plus de l'antisémitisme, ils montraient de l'anti-slavisme.
On voit , ici, en filigrane, tous les maux futurs de l'Allemagne et, finalement du nazisme. Cette Ligue perdura d'ailleurs jusqu'en 1939, année où elle fut dissoute pour programme accompli.
Bien que connu pour sa passion pour les parades militaires et les uniformes, Guillaume II n'est pas, comme on l'a dépeint par la suite, un va-t'en guerre irréfléchi. Ainsi lors de la crise d'Agadir en 1911, malgré les attaques de la presse nationaliste, il choisit une solution négociée au conflit. Il joua un rôle modérateur dans les guerres balkaniques de 1912-1913, conseillant à l'Autriche-Hongrie de ne pas intervenir afin d'éviter un conflit austro-russe. Il encouragea également l'Autriche-Hongrie à améliorer ses relations avec la Serbie.
Début 1914, Guillaume II est loin d'encourager une solution militaire. Après l'attentat de Sarajevo, même s'il assure l'Autriche-Hongrie de son soutien inconditionnel, il espère que l'ultimatum autrichien à la Serbie permettra de trouver une solution diplomatique. Pendant tout le mois de juillet, il communique avec Nicolas II de Russie affirmant que la paix repose dans les mains de celui-ci.
Mais, le 31 juillet, après des hésitations, le commandement militaire en la personne du général von Falkenhayn lui arrache « l'état de danger de guerre ». "Nous ne sommes poussés par aucun désir de conquête" déclara-t-il au Reichstag le 4 août 1914, jour de l'invasion de la Belgique !
Pendant la guerre, Guillaume II était commandant en chef des armées, mais il perdit bientôt l'autorité réelle et sa popularité en fut diminuée. Il passa la guerre réfugié à SPA où la population finit par l'appeler " Guillaume le cantonnier".
Il est de notoriété publique qu’en 1918, l’empereur Guillaume II se promenait souvent dans les bois environnant les propriétés Peltzer, propriétés qu'il avait réquisitionnées. Le Kaiser pratiquait d’autres «activités récréatives», parmi celles-ci: la chasse au furet, la création de sentiers forestiers, l’élagage des arbres, la coupe du bois, le nettoyage et le dragage des ruisseaux, etc. C'est pourquoi il fut surnommé «Guillaume le cantonnier».
Il se distingua aussi par sa manie de préparer des pseudo-tranchées. Il s’y faisait photographier en train de combattre les Français, comme disaient les communiqués de Ludendorff. Un jour, il fit porter une grande quantité de sacs de sable sur les Fagnes, où une tranchée profonde avait été aménagée.
La photographie que les journaux firent paraître portait comme titre:" l’Empereur dans les plaines de la Champagne."
Le 10 août 1918, Hindenburg avertit l'Empereur de l'échec de la Marne et du succès de l'attaque britannique sur la Somme, que l'Autriche-Hongrie est au bord de l'effondrement et qu'on ne peut plus espérer de victoire militaire à l'Ouest.
Guillaume II resta calme et déclara aux militaires silencieux : "Il faut faire le bilan. La guerre doit être achevée !".
Après l'offensive victorieuse des Britanniques à Cambrai, il connut un effondrement nerveux. Il déclara: "La guerre est perdue !".
Guillaume II demanda des négociations avec Wilson pour signer la paix au plus vite. La situation en Allemagne est critique. Le peuple se soulève contre le pouvoir et veut l'abdication du souverain. Le Reichstag et même l'Armée exigent le départ de Guillaume II. De plus, les marins se révoltent les 3 et 4 novembre 1918 à Kiel. Le mouvement se diffuse dans le Nord et gagne toute l'Allemagne. Des grèves à Berlin marquent aussi la protestation contre le souverain. Guillaume II abdique le 9 novembre 1918. Lui qui séjournait encore à Spa à la veille de l’Armistice rejoignit les Pays-Bas restés neutres, totalement désabusé et trahi à la dernière minute par ses propres troupes.
L'Empire allemand a été créé par une guerre victorieuse, il s'effondre avec la défaite...
Guillaume II se retira de la scène publique, n’attendant rien de la République de Weimar.
À l'issue de la guerre, il est désigné par les puissances alliées comme le principal responsable du conflit. Le Traité de Versailles, article 227 l'accuse personnellement d'« offense suprême contre la morale internationale et l'autorité sacrée des traités ".
On pense, après le Traité de Versailles, à juger l'ex-Empereur, accusé d'être la principale cause du conflit 1914-1918. Mais on abandonne cette hypothèse, les Alliés étant divisés.
Son exil en Hollande dure près de 23 ans. Il s'installe le 15 mai 1920 dans un petit château de la fin du XVIIIe siècle à Doorn, qu'il a acquis en août 1919 et qu'il a fait entièrement rénover, isolé du monde extérieur par son entourage et un cérémonial à peine simplifié. Il espérait, du moins jusqu'en 1934, une restauration monarchique, nourrissant sa rancoeur à l'égard de ceux qu'il est estime être responsables des échecs de son règne, persuadé d'être une victime, un héros chrétien ayant tout perdu, sauf l'honneur, convaincu de son talent exceptionnel.
Il condamna fermement, malgré ses convictions antisémites, les lois antijuives des nazis.
Lors de la nuit de Cristal en novembre 1938, il déclara : « Pour la première fois, j'ai honte d’être Allemand »
Il n'approuva pas l'invasion de la Pologne, ni l'invasion des autres pays européens. Mais lorsque la France, reconnaissant sa défaite, sollicita l'armistice, il envoya un télégramme de félicitations à Hitler. Il pense que c'est la revanche de 1918
Mais il ne connut que les succès allemands. Malgré une excellente santé pour son âge, il est pris d'un malaise le 1er mars 1941 alors qu'il coupe du bois. Après une amélioration, il subit une nouvelle attaque cardiaque et meurt le 4 juin 1941, à l'âge de quatre-vingt-deux ans, quelques jours avant l'attaque allemande sur l'URSS
Hitler avait ordonné, fin mai, de préparer ses funérailles nationales, mais la famille décide de respecter l'ordre dicté à Noël 1933 par Guillaume II, qui prévoit son inhumation à Doorn, sauf en cas de restauration de la monarchie.
L'enterrement a lieu le 9 juin devant une large assemblée de membres de la famille, venus en train spécial. Le Kaiser avait demandé que des symboles nazis ne fussent pas portés lors de ses funérailles, ce qui ne fut pas respecté. Il reçut à ses funérailles les honneurs militaires allemands.
Certains de ses fils furent mobilisés sous Hitler et deux d'entre eux, dont le Kronprinz, furent nazis.