La Solidarité.

Le terme de solidarité est à la mode. La solidarité fait partie de ces termes qui apparaissent immédiatement comme des valeurs, et ne semblent pouvoir engendrer que l’approbation: rares sont ceux qui oseraient sans provocation déclarer être contre la solidarité.
Sommes-nous toutefois certains que nous mettons tous sous ce mot les mêmes idées ?
La solidarité est le sentiment de responsabilité et de dépendance réciproque au sein d'un groupe de personnes qui sont moralement obligées les unes par rapport aux autres. Ainsi les problèmes rencontrés par l'un ou plusieurs de ses membres concernent l'ensemble du groupe. La solidarité conduit l'homme à se comporter comme s'il était directement confronté au problème des autres, sans quoi, c'est l'avenir du groupe (donc le sien) qui pourrait être compromis.
La solidarité humaine est un lien fraternel et une valeur sociale importante qui unissent le destin de tous les hommes les uns aux autres. C'est une démarche humaniste qui fait prendre conscience que tous les hommes appartiennent à la même communauté d'intérêt.
La solidarité doit être distinguée de l'altruisme qui conduit à aider son prochain, par simple engagement moral, sans qu'il y ait nécessité de réciprocité. Elle aussi différente de la coopération où chacun travaille dans un esprit d'intérêt général pour l'ensemble.
Elle doit aussi être distinguée de la charité. Selon André Comte-Sponville il y aurait même une opposition entre charité et solidarité. La première consiste en un acte gratuit, souvent individuel bien que les donneurs ont le sentiment de pratiquer de la solidarité; la seconde répond à une « convergence d’intérêts », où celui qui la pratique aurait un bénéfice en retour de son geste (les mutuelles ouvrières constituées à la fin du XIXième siècle). Ainsi, la solidarité a été plus efficace pour le progrès social, par les revendications que la charité. La charité et la générosité sont donc « d’immenses vertus » qu’il met « beaucoup plus haut, moralement, que la solidarité ».
Les noms et les contenus de la solidarité ont varié dans l’histoire et dans les divers contextes sociaux. Toutefois, le concept de solidarité a toujours été très lié aux concepts de communauté, de proximité territoriale, d’affinités sociales.
Sur quoi la solidarité est-elle fondée?
On base la solidarité sur plusieurs motifs que nous pouvons réunir en deux groupes:
a) Raisons humaines: égalité de nature, nécessité d'appui, de plus grande efficacité, élargir le coeur en évitant l'égoïsme.
b) Motifs spirituels: fraternité humaine, dignité commune , unité de destinée.
Il y a un « devoir » de solidarité dans notre modèle de démocratie. La démocratie a besoin de l'esprit de solidarité. Elle doit même se baser sur la solidarité. Elle ne peut se priver de qui que ce soit. Et elle ne peut pas non plus écarter qui que ce soit. Elle a besoin de toutes et de tous, d’une prise en compte réelle des corps intermédiaires, des demandes et des colères qui s’expriment. Qu’on les juge ou non légitimes, elles révèlent un formidable sentiment d’injustice sociale, d’inégalités, de rage et d’attente d’un horizon meilleur, plus fraternel. Malheureusement, on la contient souvent dans un cadre imposé par les moyens financiers ou on la méjuge parce que son efficacité économique serait limitée, du moins dans le modèle de développement économique que les pays occidentalisés suivent

Les discussions et controverses sur l’immigration sont particulièrement illustratives. Sous couvert d’un humanisme de façade, on nourrit les peurs d’une invasion en Europe et on explique que les migrants et les réfugiés représentent un risque majeur conte une « identité ». Côté face on proclame que l'on est pour un monde ouvert, tandis que, côté pile, on trouve le pire des rejets: le rejet de la solidarité. Cette façon d’y répondre encourage les pulsions nationalistes, xénophobes et, avec elles, leur lot de valeurs patriarcales, de discriminations, de haines et d’actes désespérés.