L'écrivain liégeois Georges LINZE avait 14 ans lors de la déclaration de la Guerre en août 1914. En 1936, il écrivit un roman, maintenant injustement oublié, " LES ENFANTS BOMBARDES ".
Il est maintenant réédité par les Editions LABOR, par "Espace Nord". il est en vente au prix modique de 8,00 €.
J'ai acheté le mien, sur commande, à la Libraire PAX, Place Cockerill à LIEGE.
Ce roman, Georges LINZE dit qu'il n'est pas autobiographique car ces témoignages reflètent les expériences de tout le monde. Ce roman, dit-il est vrai ou en tout cas "vraisemblable".
Il s'agit de l'expérience de la guerre vécue par un enfant.
A certains détails on croit reconnaître LIEGE: il parle d'une cathédrale, d'un fleuve, de parcs, de quartiers sur les hauteurs, d'une ceinture de forts...mais en fait, ce qu'il décrit est universel et intemporel. Il décrit ce que vivent et souffrent les enfants dans des pays en guerre ou occupés, en tous temps et en tous lieux.
Voici un passage pathétique. C'est celui où Georges LINZE décrit la faim lancinante éprouvée par un enfant, par tous les enfants en fait.
"Mon père maigrit, ma mère maigrit, je maigris. Mes côtes ne saillent pas encore. dans la glace, je me vois rosé et fin, je commencerai vite à devenir un homme.
...
J'ai faim. La lampe de la cuisine sent, elle éclaire mal. je pense au pain; je ne peux plus m'empêcher de penser au pain que l'on place au milieu de la nappe, au pain trop petit qui règne comme un talisman avant de disparaître en chacun de nous...Si je le dévorais, si je m'emplissais la bouche de sa mie et de sa croûte ! Fuir dans les bois, manger à ma faim, m'emplir la bouche, avaler sans mâcher, manger, manger, manger, manger.
Je passe en revue ce qu'on pourrait faire pour un, deux ou trois pains, et je m'aperçois qu'en moi-même, j'accepte des choses de plus en plus absurdes. je crois que la faim me grise.
La figure de la ville grimace, incohérente. Pourquoi, face à notre misère, ces balcons forgés, luxe inutile, pourquoi ces meubles anciens qu'on soigne comme des génies muets, pourquoi ces richesses accumulées dans les temples et les musées, richesses qui lâcheraient des pains comme des bulles...
Je divague...Les vieillards meurent un après l'autre. Je les compte en commençant par les maisons du haut de la rue, pour ne pas en oublier, et j'ai du bonheur à éviter la mienne. La liste s'allonge et ces décès me laissent chaque fois un peu plus seul, un peu plus conscient.
Une tache d'encre tombe sur mon cahier. Mon pied droit me chatouille intolérablement.
J'écris en oblique: "21 février 1917...8 1/2 heures...J'ai faim" et sous la couverture de mon livre: "21 février 1917. 8H33...que j'ai faim !"
J'écris, car il est bien inutile de parler: il n'y a plus rien pour personne avant demain matin, les parts sont faites.
La faim ne me quitte jamais, même après les repas. Les arbres, les maisons, les gens s'animent comme dans une autre vie où les buts diffèrent, où la raison d'être est diffuse.
Je ne mourrai pas de la faim, dussé-je manger des feuilles, mais au moins j'aurai eu la révélation d'un des aspects de l'univers, grâce à ell